Les cartes s'embrouillent. On parle déjà de maldonne depuis que les Frères Musulmans s'affichent avec leurs barbes. Dans l'autre camp, les barbus se sont arraché la leur: révolution ou religion ? En face également, les jeunes se donnent la main, se serrent les coudes et tous réclament encore le départ immédiat de Moubarak, sans condition, comme le dit Gigi, cette jeune dont le web est sa principale arme. Elle le crie haut et fort : tant et aussi longtemps que Moubarak sera au pouvoir, la place Ettahrir du Caire ne désemplira pas. Tous les jeunes et les moins jeunes ne vivent que pour cela. La masse des manifestants ne cessera pas de grossir, soulignent les groupes de jeunes qui sont à l'origine du soulèvement anti-Moubarak. Ils viennent de former une coalition. Dans un communiqué, «la Direction unifiée des jeunes révolutionnaires en colère» a promis de ne pas quitter les lieux, qu'ils occupent avec d'autres manifestants depuis le 28 janvier, avant que leurs revendications soient satisfaites, la première d'entre elles étant «la démission du président». La coalition regroupe des représentants du Mouvement du 6 avril, du Groupe pour la justice et la liberté, de la «Campagne du porte-à-porte», de la «Campagne populaire de soutien à El Baradei», des jeunes des Frères musulmans et du Front démocratique. Elle réclame aussi la levée immédiate de l'état d'urgence, la dissolution du Parlement, la formation d'un gouvernement d'union nationale pour assurer une transition pacifique du pouvoir et organiser une réforme constitutionnelle. Ils veulent qu'une commission d'enquête soit formée sur «l'état de chaos de la semaine dernière, et les milliers de morts et de blessés». Ils exigent que l'armée protège les manifestants contre «la violence des gangs de criminels appartenant à ce régime corrompu» et que l'approvisionnement en vivres et médicaments des manifestants sur la place Ettahrir soit assuré. On estime que 500 personnes étaient détenues. Un autre membre du comité souligne que les protestataires n'étaient pas à l'origine des difficultés récentes de la population, accusant le gouvernement d'avoir fait fermer des activités économiques vitales afin de retourner la population contre les manifestants. «Ce n'est pas la révolution qui a mis en place un couvre-feu, ordonné aux banques de fermer, ni cessé le transport de produits alimentaires entre les provinces», a-t-il déclaré. Début de dialogue Les jeunes gens ont rejeté des informations selon lesquelles un groupe représentant les jeunes avait rencontré le vice-président Omar Souleimane, qui a dialogué dimanche avec certains groupes d'opposition, dont les Frères musulmans. «Quiconque négocie actuellement avec M. Souleimane ne représente pas les jeunes présents sur la place» Ettahrir, a déclaré Ahmed Maher, membre de la coalition. Les participants au dialogue entre le régime et l'opposition, incluant les Frères musulmans -le premier contact public entre le pouvoir et la confrérie en plus de 50 ans- ont convenu dimanche de créer un comité pour préparer des amendements à la Constitution d'ici la première semaine de mars, selon le porte-parole du gouvernement Magdi Radi. D'après M. Radi, les participants se sont mis d'accord sur «une transition pacifique du pouvoir basée sur la Constitution». Un communiqué lu par M. Radi propose la levée des restrictions imposées aux médias, l'ouverture d'un bureau destiné à recevoir les plaintes concernant les prisonniers politiques et le rejet de «toute ingérence étrangère dans les affaires égyptiennes». «Ce communiqué est insuffisant», a déclaré M. Mursi. «Les demandes sont toujours les mêmes. Ils (le gouvernement) n'ont pas répondu à la majorité des demandes, ils n'ont répondu qu'à certaines, et de manière superficielle», a précisé Essam al-Aryane, un autre haut responsable de la confrérie. «C'est le début d'un dialogue pour évaluer le sérieux de ceux qui gèrent la crise», a dit M. Mursi laissant entendre que la confrérie poursuivrait le dialogue. «Ce qui s'est passé aujourd'hui n'est qu'une étape sur un long chemin (qui doit être parcouru) en un court laps de temps», a renchéri M. al-Aryane, en référence à l'échéance de la présidentielle prévue en septembre et avant laquelle l'opposition exige des réformes. «Nous sommes devant une nouvelle réalité, le régime est tombé, et c'est pourquoi on est allé au dialogue», a justifié M. Mursi. Selon ce communiqué, il a notamment été convenu lors de la réunion que la révolte lancée le 25 janvier est «un mouvement national et honorable», que «manifester pacifiquement et à tout moment est un droit pour exprimer des revendications et opinions». Il a été également décidé de «lever l'état d'urgence dès que l'état de la sécurité se sera amélioré et avant la tenue de toute élection», «la poursuite des corrompus, l'ouverture d'une enquête sur les responsables du chaos sécuritaire, des commanditaires et des auteurs des tirs sur les jeunes et leur jugement immédiat». Les jeunes de plus en plus sur la place Ettahrir, n'en démordent pas. Moubarak doit partir. Il a suffisamment usé la chaise du pouvoir. Il a trop négligé son peuple dont la classe moyenne vit avec un revenu d'environ dollars par mois. Il a trop joué sur la division pour mieux museler les masses populaires.