Après l'Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP), les avocats se félicitent, à leur tour, de la décision des pouvoirs publics de dépénaliser l'acte de gestion prise lors du dernier Conseil des ministres présidé par le chef de l'Etat. Les avocats ont estimé qu'elle (la dépénalisation) mettra fin à «la confusion» ayant fait des victimes parmi les cadres gestionnaires et libérera l'acte d'entreprendre. Maître Miloud Brahimi a affirmé que «contrairement à ce que l'on pense, c'est la mesure la plus importante prise par le chef de l'Etat lors du dernier Conseil des ministres même si, de toute part, on parle plutôt et beaucoup de la levée de l'état d'urgence». Cet avocat explique que «le système a existé avant l'instauration de l'état d'urgence et il existera après sa levée, par contre la pénalisation de l'acte de gestion est consubstantielle à ce système». Il a ajouté que dépénaliser l'acte de gestion est «un signe beaucoup plus fort afin d'évoluer dans la bonne direction», parce que, de son point de vu, «il y a eu une injustice énorme endurée par nos cadres gestionnaires qui, enfin, ne vont plus fonctionner comme un paravent à l'absence de lutte réelle contre la corruption». Pour nombre de magistrats affirment également «dépénaliser l'acte de gestion c'est libérer l'acte d'entreprendre», soutenant que l'acte matériel de l'infraction de la mauvaise gestion est «difficilement détectable et est toujours sous l'appréciation des magistrats». Ils estiment aussi que l'acte de la mauvaise gestion reste au niveau de l'action disciplinaire et tout gestionnaire relève d'une tutelle qui peut le sanctionner pour avoir failli. L'avocat Mokrane Aït Larbi a, pour sa part, souligné que «ce n'est pas à la justice de gérer l'acte de gestion», déplorant que beaucoup de cadres gestionnaires ont été jugés sur des actes de gestion. «La justice pénale ne doit intervenir que dans les cas d'abus de pouvoir et de détournement. Tout le reste doit être dépénalisé», a-t-il soutenu. Le même avis est exprimé par l'avocat Hocine Zahouane qui estime que la décision du chef de l'Etat est «positive» et permettra de «lever les ambiguïtés» et de mettre fin à «la confusion qui a fait des victimes» parmi les cadres gestionnaires. Pour Me Zahouane, «il faut dissiper la confusion entre l'acte de gestion qui relève de l'administration et le pénal qui relève du criminel», précisant que la sanction pour une «gaucherie» ou une erreur de gestion «doit être disciplinaire». Enfin, Me Farouk Ksentini qualifie la décision de dépénaliser l'acte de gestion de «salutaire», estimant qu'elle permettra de «donner du punch à l'économie». Il a également souligné que dans le cas d'une mauvaise gestion, «on peut se satisfaire d'une sanction disciplinaire ou de licenciement au lieu d'avoir recours au pénal».Pour Me Bouchachi, il est plus important de penser à combattre la corruption, la dilapidation des deniers publics et le gaspillage. Il a estimé que la question de gestion doit être «largement débattue» et «non réglée par une instruction». Cependant, d'autres juristes soutiennent que la mauvaise gestion a été juridiquement dépénalisée depuis fort longtemps, dans la mesure où l'article 421 du code pénal qui pénalisait les infractions liées à la mauvaise gestion a été abrogé en 1988. L'article 421 de la loi 82-04 du 13 février 1982 stipulait que «quiconque, n'ayant, dans des circonstances dépendant de sa volonté, pris ou tenté de prendre les mesures nécessaires relevant de ses prérogatives pour éviter ou limiter le dommage, aura de ce fait, laissé périr, se détériorer, ou se dissiper, des biens, du matériel, des matériaux, des produits industriels ou agricoles, des valeurs ou documents appartenant à l'Etat ou à l'un des organismes visés par l'article 119, est puni d'un emprisonnement de deux (2) ans à cinq (5) ans et d'une amende de 2000 à 10 000 DA». L'article 119 cite les magistrats, les fonctionnaires, les officiers publics ainsi que toute personne investie d'une fonction ou d'un mandat, même temporaire, rémunéré ou gratuit et concourt, à ce titre, au service de l'Etat, des collectivités locales, des établissements et organismes de droit public ainsi que des entreprises publiques économiques et de tout organisme de droit privé assurant la gestion d'un service public. Le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, avait chargé le gouvernement, lors du Conseil des ministres, tenu jeudi dernier, de préparer les dispositions législatives appropriées en vue de la dépénalisation de l'acte de gestion. «J'invite les cadres et gestionnaires publics à s'atteler sereinement à leur mission, en faisant confiance à l'Etat qui les emploie et à la justice indépendante», avait souligné le président Bouteflika lors du Conseil des ministres.