Le Parlement américain a vécu une folle nuit ce jeudi avec le report à deux reprises du vote du plan des Républicains relatif au plafond de la dette dont l'échéance expirera dans seulement trois jours, faisant courir de graves conséquences aux Etats-Unis et à la finance mondiale. Dans cet imbroglio s'enchevêtrent à la fois les questions de l'endettement et des capacités de financements des Etats-Unis, la note de sa signature souveraine et les calculs politiques partisans en prévision des élections présidentielles 2012. C'est que le président de la Chambre des représentants, John Boehner, devait soumettre au vote, jeudi, son projet de loi sur la dette devant cette institution parlementaire, mais a dû se rétracter par deux fois en réalisant qu'il était dans l'incapacité de réunir les 217 voix nécessaires pour adopter son plan en dépit de plusieurs heures de tractations avec les élus de son parti. Le hic est que même si la majorité dans la Chambre des représentants est contrôlée par les républicains (242 sièges sur un total de 435), un certain nombre d'entre eux s'opposent au plan tel que présenté par Boehner. Le projet du plus haut responsable républicain à la Chambre propose, en effet, un plan à court terme avec un relèvement d'un millier de milliards de dollars du plafond de la dette seulement, ce qui permettrait à l'Etat fédéral de faire face à ses engagements financiers pour seulement quelques mois. Par ailleurs, le camp du président américain Barack Obama s'oppose férocement à un projet à court terme pour le rehaussement du plafond de la dette afin d'éviter de se retrouver, durant la campagne électorale des présidentielles 2012, avec une autre crise de la dette sur les bras. D'ailleurs, le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, a sérieusement averti les républicains que tout projet à court terme sera bloqué à la chambre haute contrôlée par les démocrates. Devant l'impatience et l'inquiétude des Américains et des milieux d'affaires qui veulent en finir rapidement avec cette crise du plafond de la dette, le scénario que semble souhaiter le président républicain de la Chambre des représentants serait d'obtenir l'adoption de son projet de loi et de le voir rejeté, par la suite, par le Sénat. Avec ce cas de figure, il en tirera une grande victoire puisque le camp républicain disposera d'un solide argument pour pouvoir affirmer à l'opinion publique qu'il ne peut être accusé d'inaction en ayant assumé sa responsabilité avec l'adoption d'un plan de sortie de crise de l'endettement et que la balle est, désormais, dans le camp des démocrates au Sénat qui aura été à l'origine du blocage du texte. En attendant la fin de ce suspense à rebondissements, ces interminables tractations qui durent depuis plusieurs semaines sans, pour autant, désamorcer la crise, ont fragilisé les Etats-Unis sur les marchés financiers avec l'incertitude persistante sur le risque de défaut de paiement auquel pourrait faire face la première puissance mondiale lundi prochain. Après la Chine, détentrice de plus de 1.500 milliards de dollars de bons de Trésor américains (près de 50 % de ses réserves de change), qui avait appelé les Etats-Unis à préserver les intérêts des investisseurs financiers étrangers, et les menaces des agences de notations de rétrograder la note de la dette américaine, un nombre de 500 patrons de banques et de firmes américaines ont également interpellé le gouvernement d'Obama et le Congrès à trouver un compromis. «Un défaut sur les obligations de notre pays ou une dégradation de la note du crédit des Etats-Unis saperait terriblement la confiance des entreprises et des investisseurs, provoquant un renchérissement des taux pour tous les emprunteurs, sapant la valeur du dollar et secouant les marchés d'actions et d'obligations», ont écrit dans leur message des patrons du secteur financier américain. Echaudés par la crise financière de 2008, plusieurs entreprises et des fonds mutuels américains ont pris les devants en renforçant leurs montants de liquidités par crainte d'un gel des circuits d'emprunts bancaires, alors que certains Etats américains, telle la Californie, ont commencé, d'ores et déjà, à emprunter auprès de banques afin d'éviter le risque de contracter, en août, des prêts à de coûteux taux d'intérêt.