Le PDG de la BEA, Mohamed Loukal a accusé hier le groupe Arcelor Mittal, le partenaire de l'Algérie dans le complexe sidérurgique d'El Hadjar (Annaba), de vouloir faire endosser à la banque ses propres contraintes financières. M. Loukal a expliqué dans un entretien accordé à l'APS que la filiale du groupe indien «avait utilisé comme parade durant tout le processus de négociations (avec la BEA pour l'octroi d'un crédit de 14 milliards de DA), des propositions de garanties de prêt qui n'ont pas de valeur». «Dans ce dossier, il y a lieu de ne pas se tromper de cible et de vouloir incriminer la BEA à tout prix», a ajouté M. Loukal, qui a tenu à souligner que sa banque «n'a pas pour habitude, au plan de l'éthique, de commenter ses relations avec sa clientèle, quels que soient les aléas qui pourraient les caractériser». Jugeant utile d'apporter certaines précisions pour permettre de situer la problématique de ce dossier dans son véritable contexte, M. Loukal a expliqué que depuis la mise en oeuvre du partenariat ‘'Ispat-Sider'', devenu par la suite ArcelorMittal-Sider, il a été constaté une réorientation de la relation bancaire au profit de banques privées, en dépit du fait que la BEA soit la banque du complexe El Hadjar depuis sa création. La BEA s'est trouvée ainsi «confinée à assurer les remontées de trésorerie vers ces banques (privées) et la paie des travailleurs du complexe», ajoute-t-il. La banque algérienne est intervenue plusieurs fois auprès des responsables de l'entreprise pour les convaincre de normaliser cette relation bancaire. Mais, suite à la persistance de cette relation, elle avait même étudié un plan de délocalisation de son agence implantée au sein du site industriel, devenue vulnérable sur le plan de la rentabilité, précise encore M. Loukal. ArcelorMittal avait repris langue avec la BEA en septembre 2011 pour l'obtention d'un crédit d'exploitation classique destiné au financement du cycle de production du complexe d'El Hadjar d'un montant de 5 milliards de DA et aussi pour le rachat d'une dette de 9 milliards de DA (environ 120 millions de dollars), contractée antérieurement auprès de ‘'Société Générale Algérie'', filiale algérienne du groupe bancaire français. Le crédit de 9 milliards de DA d'une validité d'une année, arrivant à échéance fin 2011, a été contracté par Arcelor Mittal auprès de Société Générale Algérie en contrepartie d'une garantie bancaire internationale d'ordre de maison-mère, payable à première demande, selon les précisions du dirigeant de la BEA. M. Loukal a tenu à préciser qu'»à ce stade, le programme d'investissement du complexe d'El Hadjar n'a été ni abordé, ni fait l'objet de présentation, ni de discussions avec le partenaire indien», contrairement à ce qui avait été annoncé par certains médias. Après plusieurs discussions avec son client, la BEA avait accepté d'accorder le crédit de 5 milliards de DA pour le financement de l'activité du complexe et a aussi approuvé le rachat de la dette de 9 milliards de DA auprès de son confrère privé à travers un crédit relais d'une durée de 6 années, toujours selon les clarifications de M. Loukal. Compte tenu de la fragilité financière et des déséquilibres qui caractérisent ArcelorMittal Algérie, la banque algérienne avait exigé des garanties sous forme de nantissements des équipements pour le crédit d'exploitation de 5 mds de DA et le transfert à son profit de la garantie internationale souscrite au profit de Société Générale pour le rachat du prêt de 9 mds de DA. La BEA avait même pris l'initiative de proposer une «alternative innovante» à la partie indienne en lui suggérant de transformer la garantie internationale de 120 millions de dollars, dés qu'elle soit transférée à son profit, en tranches d'augmentation de capital, prévue dans le plan de développement adopté par les organes sociaux d'Arcelor Mittal. Renforcer progressivement les capacités financières La BEA visait par cette proposition «à renforcer progressivement les capacités financières de l'entreprise, lui permettant de recouvrer les critères de bancabilité, meilleur gage de la stabilité financière», a-t-il dit. De plus la BEA s'est dite disposée à accorder, sans formalité aucune, juste après le nantissement des équipements, un montant d'un milliard de DA pour les besoins urgents du complexe. «Les propositions de financements formulées par la BEA ont été concrètes et constructives, liées à une démarche d'accompagnement financier à laquelle ArcelorMittal avait formellement adhéré, à l'origine, sur tous les plans, y compris sur les garanties hypothécaires exigées par la BEA» avant de faire volte face, en changeant complètement son attitude, a noté à ce propos le dirigeant de la première banque d'Algérie. A ce titre, il a estimé «anormal» qu'Arcelor Mittal «se refuse de réserver à la BEA, le même traitement que celui administré au confrère privé, en contrepartie de l'effort considérable en matière de financement que cette entreprise cherche à arracher». Il souligne aussi que sa banque qui «est un acteur possible dans le financement de l'exploitation du complexe, ne peut l'être dans le rachat d'une dette sans garantie». Il a également affirmé qu'ArcelorMittal qui se retrouve dans une situation de défaut de remboursement de sa dette contractée auprès de Société Générale, cherche en vérité «à se délier de la garantie internationale adossée à ce crédit sous prétexte de crise internationale». Les précisions du PDG de la BEA interviennent au lendemain de la déclaration du secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), M. Ahmed Ouyahia, qui a affirmé que l'Etat algérien va intervenir pour empêcher une éventuelle fermeture du complexe El Hadjar. M. Ouyahia a expliqué que le dépôt du bilan, brandi comme une menace par Arcelor Mittal, pour obtenir un crédit bancaire sans garanties, ne vas pas infléchir la position des autorités algériennes sur ce dossier.