Hier, El Ançor était à l'image de Diar Echems il y a quelques jours. A plusieurs kilomètres à la ronde était visible une fumée noire qui se dégageait des deux carrières, de la forêt ainsi que les pneus incendiés par les manifestants. En se rapprochant davantage d'El An-çor, à 30 km d'Oran, l'air était irrespirable, pollué par les gaz lacrymogènes lancés par les gendarmes sur les protestataires qui réclamaient ni plus ni moins la fermeture des trois carrières spécialisées dans l'extraction des agrégats, situées à une centaine de mètres des habitations. Les affrontements entre les gendarmes venus en renfort depuis les premières heures de la matinée d'hier, et les protestataires dont des femmes et des enfants, se sont poursuivis durant toute la journée. Ils ont commencé à 11H20. Et pourtant, à son lancement samedi dernier, la protestation des habitants d'El Ançor, qui se sont rassemblés à la sortie du village, sur la route menant à la commune Boutlélis, à hauteur des carrières d'agrégats du mont Djorf El Alia, était tout ce qu'il y'avait de pacifique. Cela l'a été hier encore jusqu'au lancement de la première bombe lacrymogène. En fait, selon Taieb, un des habitants du village : «notre action est pacifique, elle a commencé samedi dernier et aujourd'hui se sont tous les habitants de la commune qui se sont joints à nous ». Hier, avant le déclenchement des émeutes, El Ançor donnait l'air d'un village fantôme, les magasins et les établissements scolaires étaient tous fermés. Tous les habitants, femmes, enfants et hommes se sont rendus aux carrières en question pour interdire leur accès à leurs exploitants. Tous les habitants du village ont participé à la protesta pacifique contre l'exploitation des carrières de cette commune. Ils étaient environs 5 mille protestataires à se mobiliser pour la même cause. «Nos enfants ne sont pas allés à l'école aujourd'hui, les commerces sont fermés et même nos femmes sont là pour manifester contre un mal qui nous ronge tous. Il n'est pas question que les carrières continuent à empester notre environnement et dégrader davantage notre santé et surtout à mettre en péril nos modestes habitations» a déclaré Tayeb. Il ajouta « nous sommes tous là pour la bonne cause pour l'intérêt de tous et notre action est pacifique, on n'est pas des casseurs ou des voyous. Nous réclamons notre droit à un environnement sain. Il y a une année que la promesse de fermeture définitive des carrières nous a été donnée par les responsables locaux mais elles sont toujours là et ce, à notre détriment». « Fermez ces carrières qui nous empoisonnent la vie» D'autres protestataires soutiendront que ces carrières sont à l'origine des maladies respiratoires dont souffrent les habitants de cette commune. «En 2004, 1.864 personnes présentaient des maladies respiratoires parmi les habitants d'El Ançor. Actuellement ils sont 2.500 a souffrir de ces pathologies et la majorité d'entre eux sont asthmatiques», soutiennent les habitants. Chiffre impossible à vérifier auprès des structures sanitaires vu l'extrême tension qui régnait. Aussi, soulignent les protestataires, hormis les problèmes de santé, l'exploitation de ces carrières a affecté les terres agricoles et la nappe phréatique de la localité, vu sa vocation agricole. Les habitants d'El Ançor ont par ailleurs affirmé que l'utilisation de la dynamite dans ces carrières a eu un impact sur le tissu urbain. «Les murs et les toitures de nos habitations sont lézardés». L'ensemble des protestataires criaient : «fermez ces carrières qui nous empoisonnent la vie». Il y a eu des pourparlers entre des représentants des protestataires et les autorités locales, dont le président de l'APW et même un sénateur, sans que cela n'aboutissent. En fait, les protestataires ont déclaré : «on ne veut plus des promesses qui ne seront jamais tenues. On attend une décision ferme pour la fermeture des carrières, quelque soient leurs exploitants». Précisons que ces carrières sont actuellement, exploitées par deux entreprises privées algériennes et deux autres turques et que leurs contrats d'exploitation devaient expirer mais qu'aux dernières nouvelles, leur durée a été prolongée, d'où la frustration et la colère des habitants.
Des dizaines d'arrestations, de blessés et une rumeur sur la mort de quatre enfants Ainsi, face à la réelle détermination des protestataires, les gendarmes ont reçu l'ordre de disperser les manifestants. La tension est alors montée d'un cran. S'ensuivis des tirs de sommations et lancement des bombes lacrymogènes. Selon nos sources, les gendarmes ont procédé à des interpellations et ont également reçu l'ordre d'évacuer le QG, installé depuis samedi dernier, à l'entrée des carrières. A l'heure où nous mettons sous presse, le nombre d'arrestation aurait doublé durant l'après-midi. Quant au nombre des blessés, il serait des dizaines selon les protestataires. Toutefois, une source crédible a affirmé qu'au niveau de l'hôpital d'Aïn El Turck, ils ne seraient qu'une trentaine, dont un ressortissant turc, qui auraient été admis au service des urgences pour des blessures légères. Après avoir reçu les soins nécessaires, ils sont repartis chez eux. Par ailleurs, des personnes asphyxiées ont été enregistrées et prises en charge par l'équipe médicale de la protection civile qui se trouvait sur place. Une dizaine de personnes ont été traitées par cette équipe. Toutefois, les protestataires parlent de centaines de blessés et de personnes de tout âge asphyxiées par le gaz lacrymogène et la fumée qui ont couvert El Ançor. Hier dans l'après-midi, des rumeurs auraient été propagées quant à la mort de quatre enfants par asphyxie.