VIDEO Le Quotidien d'Oran, 28 octobre 2009 La paisible localité de la Corniche oranaise, El-Ançor, a été ébranlée hier, par de violentes émeutes. La manifestation pacifique amorcée samedi par une partie de la population locale, exigeant la fermeture de la carrière du mont «Djorf El-Alia», située à quelques encablures du village, s'est mue en un indescriptible mouvement de révolte collectif. Bilan, 30 blessés dont quatre dans un état grave et 25 arrestations, selon des sources sécuritaires.Assise depuis bien des années sur une vraie bombe à retardement, El-Ançor, connue surtout par son complexe touristique «Les Andalouses», a fini par exploser. Pourtant, ce pourrissement de la situation pouvait être évité pour peu que les doléances des habitants, qui ont manifesté au début d'une manière pacifique en plantant une tente verte à la sortie de leur ville, aient trouvé une oreille attentive. La protestation a franchi un cap, hier. Avant-hier, déjà, il y a eu quelques scènes de violence, par-ci, par-là. Ça s'arrêtait et reprenait par intervalles. Le mouvement était de faible intensité, évoluait plutôt par à-coups, et était circonscrit dans le talus en contrebas de la gravière, à la sortie du village en allant vers Boutlélis. Le dispositif antiémeute était déjà sur place, se contentant de former des boucliers autour des foyers chauds et de dresser des barrages humains et matériels sur les accès principaux afin de contenir et d'amortir le choc. C'était plutôt le «wait and see» côté gendarmes et éléments antiémeute. Pas pour longtemps, la déflagration a eu lieu hier dans toute la ville. Face à l'évolution de la situation, les forces de l'ordre en stationnement sur les lieux reçoivent le «feu vert» pour riposter. 10 heures, la confrontation frontale avec les émeutiers commence. La réplique des forces antiémeute est sans merci. Arrosés à coups de pierres et de pneus incendiés, les éléments de sécurité, qui étaient restés jusque-là retranchés derrière leur véhicules blindés, bloquant l'accès à la carrière de Djorf El-Alia, répondaient par des jets de bombes lacrymogènes et la bastonnade. Leur tâche était d'autant difficile que l'endroit où se déroulaient les hostilités est un terrain vague, ouvert de tout côté et donc très difficile à assiéger. Selon des sources concordantes, il y a eu des blessés dans les deux camps. Mais les «bilans» étaient très divergents, impossible à vérifier sur place, d'autant qu'il y avait un silence radio côté institutionnel. L'on croit savoir, en tout cas, qu'il y a eu une dizaine de blessés parmi les citoyens, dont une écolière qui s'est évanouie par l'effet du gaz lacrymogène et a été évacuée vers l'hôpital d'Aïn El-Turck. Dans les rangs des forces publiques, pas moins de quatre blessés ont été déplorés. L'escalade de la violence s'est produite vers 11 heures, avec l'extension des échauffourées au chef-lieu de la commune. Traqués de la montagne vers le centre-ville, les émeutiers battaient en retraite, mettant le feu à tout ce qu'ils trouvaient sur leur passage. Ainsi, voitures, commerces… tout était bon à incendier et à saccager. Dès lors, un deuxième front de combat s'est constitué. Alors que le village s'embrasait, un groupe d'émeutiers, qui est resté aux aguets au niveau de la carrière, a mis le feu à la base de vie des travailleurs turcs, implantée dans l'enceinte de la gravière. Une épaisse fumée noire se dégageait du camp qui abritait ces ouvriers étrangers, au nombre de 20, lequel camp a été réduit en cendres par les flammes, selon des témoins. On déplore aussi la dégradation d'un lot de matériel appartenant aux deux exploitants de cette carrière, à savoir les deux entreprises algéro-turques CPMC-Kogay et Chifa Balast-Ozmert, deux sociétés mixtes de droit algérien. Mais les dégâts matériels restent, à en croire les mêmes témoins, peu importants, puisque le parking où sont parqués les engins ainsi que la chaine de production n'ont pu être atteints. A noter que les deux autres exploitants de cette gravière, des opérateurs algériens, sont à l'arrêt technique. 16 heures, les troubles se poursuivaient encore et n'ont pas baissé d'un cran. Les tentatives, plutôt individuelles, entreprises en début de matinée par certains responsables locaux de prendre langue avec les «représentants» des protestataires, afin de parvenir à un terrain d'entente et d'arrêter les hostilités, sont venues trop tard et, de ce fait, étaient comme un coup d'épée dans l'eau. Il est à rappeler qu'à l'appel des notables de la région et des associations locales, dont ONSA, une manifestation pacifique avait été tenue samedi par des habitants de la commune, et ce, pour réclamer «la fermeture totale et définitive de la carrière de Djorf El-Alia». Le président de l'Association ONSA avait souligné : «nous déplorions, en 2004, 1.864 personnes atteintes par des maladies respiratoires à cause de la poussière qui se dégage des carrières de Djorf El-Alia et, aujourd'hui, plus de 2.500 cas sont recensés». La poussière nocive à la santé, la nuisance sonore de jour comme de nuit, l'impact des explosifs sur le tissu urbain, la pollution qui a infecté les terres agricoles voisines et des nappes phréatiques… autant de désagréments déplorés par les habitants.