Le président de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) du ministère des Finances, M. Abdenour Hibouche a interpellé jeudi à Alger les professions non financières pour qu'elles s'impliquent dans le dispositif de renseignement financier et dans la lutte contre le blanchiment d'argent en Algérie. M. Hibouche a ainsi invité, les agents immobiliers, concessionnaires automobiles, notaires, avocats, experts comptables, commissaires aux comptes, commissaires en douanes et intermédiaires en opérations en Bourse à déclarer, auprès de la CTRF, toute transaction ou opération douteuse comme le font les banques depuis 2005. «Le secteur bancaire occupe le premier rang en matière de renseignement financier auprès de la CTRF alors que la participation des professions non financières s'avère nulle (…) pourtant la loi leur donne ce droit», a-t-il regretté. «Les notaires, par exemple sont tenus, par la loi de 2005, de présenter des déclarations de soupçons mais ils ne le font pas», a-t-il argué. Entre 2007 et 2011, près de 3.200 déclarations de soupçons ont été envoyées à la CTRF «exclusivement par les banques» activant en Algérie, a-t-il rappelé. Durant la même période sept dossiers, supposés être en lien avec le blanchiment ont été transmis par la CTRF à la Justice. Ces affaires s'ajoutent évidemment aux autres affaires de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme traitées par la Justice en application du code pénal. Grâce aux «mesures de vigilance» et des procédures de contrôle mises en place récemment par les banques pour la surveillance des transactions ainsi qu'à la sensibilisation des entités déclarantes pour une «transmission sélective» des déclarations à soumettre à la cellule, excluant de ce fait toutes les opérations sans lien avec le blanchiment, le nombre de déclarations de soupçons reçues par la CTRF en 2012 est en baisse par rapport à 2011, selon le M. Hibouche. La coopération régionale pour mieux lutter contre le blanchiment d'argent Le premier responsable du renseignement financier a cependant préféré ne pas divulguer plus d'informations sur la nature de ces affaires et leurs montants ni sur les personnes physiques ou morales impliquées. «Le montant de la transaction en lui-même ne nous intéresse pas, car des blanchisseurs ou des terroristes peuvent bien fractionner leurs opérations pour ne pas attirer l'attention des banques», a-t-il fait remarquer. Par ailleurs, M. Hibouche a annoncé que la CTRF compte intensifier sa coopération régionale en matière de renseignement financier. Au cours de 2013, l'Algérie compte ainsi adhérer au groupe EGMONT, un forum international des cellules du renseignement financier, créé en 1995 pour promouvoir les activités de ses membres en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement des activités terroristes. Elle est déjà membre (fondateur) du GAFIMOAN (Groupe d'action financière pour le moyen orient et l'Afrique du nord) dont la 14ème réunion s'était tenue à Alger en novembre 2011. Revenant sur le dernier règlement de la Banque d'Algérie relatif à la lutte contre le blanchiment d'argent, M. Hibouche a souligné que les modifications introduites visent notamment à mettre la réglementation algérienne en la matière au diapason de la réglementation internationale. La notion des «personnes politiquement explosées», par exemple, introduite par le règlement et qui concerne «toute personne de nationalité étrangère exerçant une fonction administrative, exécutive, législative ou judiciaire», selon lui, est utilisée partout dans le monde et n'a aucune spécificité algérienne. Même la presse est source d'information pour la CTRF Interrogé sur les «sources d'information» de la cellule, non habilitée à procéder à l'auto-saisine, son président a évoqué les déclarations de soupçons, la collaboration régionale et internationale mais aussi les articles de presse. «Nous (CTRF) avons un service spécialisé de documentation qui consulte régulièrement la presse, les informations de presse sont intégrées dans nos bases de données, nous procédons ensuite à des recoupements qui peuvent même donner lieu à des actions», a-t-il confié aux journalistes présents. Créée en 2002 et entrée en activité en 2005, la CTRF est un organe spécialisé, financièrement indépendant du ministère des Finances, chargé de recueillir, de traiter, d'analyser et d'échanger avec les organismes homologues étrangers – sous réserve de réciprocité - des renseignements financiers dans le but de contribuer à la détection, la prévention et la dissuasion du recyclage de fonds issus de la criminalité et le financement des activités terroristes en Algérie. L'ordonnance 12-02 du 13 février 2012, modifiant et complétant la loi de 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, avait adapté la législation algérienne aux techniques nouvelles en la matière et a conforté l'autonomie financière de la CTRF en faisant d'elle «une autorité administrative indépendante (financièrement) placée auprès du ministère des Finances». Le plan d'action du gouvernement, adopté en octobre 2012, a prévu de «renforcer l'organisation de la CTRF pour lui permettre d'accroître son efficacité opérationnelle». La lutte contre «l'argent sale» est assurée en Algérie par un arsenal juridique composé notamment de la loi sur la prévention et la lutte contre blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (2005 et 2012), le code pénal (2004), la loi sur la corruption (2006), celle relative à l'infraction à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de/et vers l'étranger (2010), loi sur la monnaie et le crédit (2010) en plus des règlements de la banque d'Algérie (2005, 2011 et 2012).