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Entretien avec le ministre Rachid Benaïssa : L'Algérie adopte «une nouvelle vision» de l'agriculture
Publié dans Le Financier le 16 - 02 - 2013

Le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, a annoncé que l'Algérie avait «une nouvelle vision» de l'agriculture avec des objectifs clairs pour les acteurs du développement agricole, dont la sécurité alimentaire du pays.
D'abord, l'indépendance nous a permis de récupérer notre souveraineté sur les terres agricoles qui ont toujours été au centre d'enjeux importants avant et après la colonisation», a souligné M. Benaïssa dans un entretien à l'APS à l'occasion des festivités marquant le cinquantenaire de l'indépendance nationale. Interrogé sur les enseignements à tirer des précédentes expériences agraires menées après l'indépendance, le ministre estime que les politiques agricoles devaient «aller de paire», c'est-à dire, «on ne peut pas imaginer un développement de l'agriculture sans l'amélioration des conditions de vie et de travail dans les espaces ruraux». «Donc, nous abordons le nouveau cinquantenaire avec une vision très claire et des objectifs qui sont assignés à l'ensemble des acteurs du monde agricole et rural», a-t-il ajouté. Selon le ministre, l'adoption de la loi d'orientation agricole en 2008 et le lancement de la politique du renouveau agricole et rural en 2009 ont permis d'apporter des réponses à des questions posées depuis l'indépendance, liées notamment au problème du foncier agricole. La promulgation de la loi foncière en 2010 «a mis fin à un débat compliqué posé depuis l'indépendance, c'est-à dire, que faire des terres agricoles et comment les gérer», rappelle t-il. Cette législation a adopté le principe de la concession agricole pour 40 ans renouvelable comme mode de gestion des terres du domaine public de l'Etat en vaillant à ce qu'elles soient exploitées dans le sens qui sert la communauté nationale. Deux autres décisions «très importantes» ont été prises, l'une fait appel aux terres de propriété privée qui doivent être concernées par la politique du développement et exploitées pour participer à l'amélioration de la sécurité alimentaire du pays. L'autre concerne la simplification des procédures pour l'accès au foncier agricole que ce soit au sud, dans les hauts plateaux ou dans certaines zones du nord. «Une grande sérénité s'est installée dans le secteur et les acteurs, sécurisés dans leurs relations avec la terre, ont enclenché des actions d'amélioration de leurs productivité», note M. Benaïssa. La nouvelle législation, les financements avantageux et l'organisation professionnelle, soutenus par une pluviométrie favorable, ont «vite donné des résultats» qui se traduisent par un taux de croissance moyen de 13,8% par an ces quatre dernières années. «C'est important», selon le ministre car «cela veut dire que c'est possible d'avoir de meilleurs résultats en travaillant plus». L'intégration des autres secteurs à travers la construction de milliers de logements ruraux et le raccordement des localités au gaz naturel et au réseau électrique «a donné de la crédibilité à cette politique», estime le ministre. «D'après nos statistiques, le renouveau rural a touché pas moins de sept millions de personnes pendant les quatre dernières années», a-t-il indiqué. «Les résultats sont donc très positifs, mais ce que nous prenons le plus en considération, c'est la marge du progrès qui demeure importante. Il faut que la communauté nationale prenne conscience de cela et s'investisse encore plus», a-t-il ajouté.
L'avenir est dans le rural
Prenant conscience des enjeux de la sécurité alimentaire, après les dernières crises qui ont secoué plusieurs pays dans le monde, l'Algérie a fait de la sécurité alimentaire une question de souveraineté nationale. «Pendant ces crises, certains pays avaient refusé de vendre des produits essentiels à d'autres. Les systèmes de régulation mondiaux se ont été bafoués et beaucoup de pays se sont retrouvés dans des situations très difficiles au point où leur stabilité et la paix intérieur étaient menacées», a rappelé M. Benaïssa. «La question qui se pose aujourd'hui, c'est comment faire pour nourrir une population de plus en plus nombreuse et produire plus en préservant la qualité. Cette question doit être partagée par tous les acteurs, que ce soit les petits ou les grands producteurs. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut inverser la vision, c'est-à dire ne pas continuer à regarder le monde rural comme un monde arriéré, au contraire, c'est lui qui va produire de la richesse», estime-il. «C'est pour cela que nous disons, à travers cette politique, la perception du rural doit changer. Le rural c'est l'avenir, et c'est des potentialités à découvrir et à valoriser». Les besoins alimentaires de l'Algérie sont couverts à 72% par la production nationale, le reste étant assuré par l'importation. «Nous avons des filières où nous sommes autosuffisants et dans d'autres pas assez. Certes, il y a une amélioration, mais il reste beaucoup à faire à l'avenir». La nouvelle vision du secteur tient compte également du changement de la carte agricole algérienne et l'émergence de nouveaux pôles agricoles au niveau du sud d'où proviennent actuellement 18,3% de la production nationale, essentiellement d'El Oued et de Biskra, 22% des hauts plateaux, 16% des montagnes et 43% des plaines. «Si les dix wilayas du sud agissent similairement, vous imaginez l'amélioration qui pourrait y avoir. Tout le monde doit se sentir concerné par cette carte qui est en train de changer», a-t-il dit. «Si cette dynamique se maintient, il n y a pas de raison que dans quelque filières nous pourrons avoir des productions importantes et s'inscrire également dans l'exportation», estime le ministre.
Rattraper le temps perdu
«Nous commençons à enregistrer l'introduction de techniques de dernière génération, même si cela ne s'est pas généralisé encore. C'est une réponse à la visibilité et à la sérénité qu'offre le secteur», estime M. Benaïssa. «Les industriels ont également répondu positivement puisqu'il y a eu réintégration de l'industrie dans ces missions originales, parce qu'à un moment donné, l'industrie agroalimentaire était très loin de l'agriculture. Il a fallu redire à ces opérateurs qu'ils sont le moteur du développement de l'agriculture», a-t-il ajouté. Pour le ministre de l'agriculture, la question qui se pose aujourd'hui est comment faire du retard accumulé par l'Algérie dans le domaine agricole, un atout. «Tout les questionnements qui ont été posés depuis l'indépendance pour asseoir une base qui permet une exploitation rationnelle et efficace de toutes nos potentialités ont accumulé des retards dans la productivité», constate-t-il. «Les pays qui utilisaient, dans les années 1960 jusqu'en 1980, les fertilisants chimiques à grande échelle pour avoir de bons rendements font face actuellement à un problème de pollution des sols. Ils sont en train de développer de nouveaux systèmes de production à même de diminuer cette contamination et d'avoir des produits de qualité», estime M. Benaïssa. «C'est un défi qui est ouvert à l'ensemble des acteurs, que ce soit ceux qui vont venir investir ou ceux qui y sont déjà», indique le ministre. En outre, les détenteurs de connaissances comme les universités et les instituts de recherche «doivent affronter la réalité et se mettre en contact avec les agriculteurs et les industriels qui se sont lancés dans cette dynamique. C'est comme ça qu'on peut faire de notre retard un atout»«, estime M. Benaïssa. Enfin, il a rappelé que l'agriculture algérienne a aussi «besoin des jeunes qui s'engagent dans l'aventure de l'amélioration de la sécurité alimentaire du pays. Nous sommes heureux de constater, contrairement aux idées reçues, que plus de 35% de la population agricole ont moins de 30 ans».


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