L'ONI (OpenNet Initiative) a annoncé que l'Algérie a rejoint, ce 1er janvier, la liste de plus en plus étendue des gouvernements censeurs d'Internet dans le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. C'est le premier filtrage technique recensé par l'ONI en Algérie. Les tests de l'ONI conduits le 1 janvier 2010 ont révélé que l'accès au site Web d'un mouvement politique algérien a été interdit en Algérie. L'accès à la chaîne de télévision Internet du même mouvement ainsi que le forum de discussions ont été aussi filtrés pour être inaccessibles. «Ce filtrage politique n'est pas transparent; les utilisateurs n'obtiennent pas un message de blocage explicite, mais plutôt un message d'erreur», déclare un internaute. Le blocage du site Web de Mouvement Rachad vient quelques semaines après que le ministre de l'Algérie de Poste et des Informations et des Technologies de Communication, Hamid Bessalah, ait annoncé qu'un régime de filtration central proposé au gouvernement sera une passerelle pour contrôler le flux d'informations émises et reçues par les internautes algériens. Les internautes algériens se sont vite rebiffés après que le filtre Internet a été activé par l'Etat. En effet, des forums ont été ouverts dans les blogs et sites algériens pour dénoncer «la censure» d'Internet. Pour rappel, en 2009, la presse locale a rapporté que les autorités algériennes préparaient un filtre Internet afin de lutter contre la cybercriminalité, le terrorisme et la pornographie. Des lois sont également en gestation pour classer comme crime le contournement du filtre. Les internautes ont reçu cette nouvelle avec inquiétude, craignant que le filtre ne soit utilisé à des fins politiques. «La liste du filtre des sites Internet bannis sera établie par l'Etat sans consultation préalable des internautes. Les sites sont ainsi censurés par un corps de censeurs, non encore révélé. Le processus de censure n'est pas transparent. Il n'y a pas de justification donnée pour bannir les sites et il n'y a aucun moyen de contester la mise au ban», précise un cadre retraité d'AT et féru du net. Et d'ajouter : «donc, il est évident que les sites bannis seront déterminés par le gouvernement pour des raisons politiques. Le gouvernement utilisera le filtre pour bannir les idées dissidentes et d'oppositions. Nous condamnons fermement cette pratique car il est clair que cela est un manquement aux principes de libertés d'expression et d'information comme prescrit par l'article 19 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques signé par l'Algérie le 10 décembre 1968 et ratifié le 12 septembre 1989». Quant à Mourad, un propriétaire de cybercafé au centre-ville d'Oran, il dira «l'Etat algérien et le peuple algérien aspirent aux hautes valeurs que sont la liberté et la démocratie, valeurs qui ont été défendues par nos pères et nos grands pères pendant des décennies. La censure d'Internet est un manquement clair à ces valeurs, qui doit cesser». Selon une étude réalisée par OpenNet Initiative (Oni), 26 pays sur les 40 étudiés censurent l'internet, en bloquant l'accès à des informations politiques, religieuses, sociales ou culturelles, en désaccord avec le gouvernement. La plupart des pays européens et américains n'ont pas encore été testés par l'ONI, sinon la liste pourrait s'allonger, note-t-on. L'Oni procure des cartes de la censure sur Internet de par le monde, en fonction de divers sujets : politique, social, outils internet, où l'on peut voir que Birmanie, Chine, Iran, Syrie, Tunisie et Vietnam pratiquent essentiellement la censure politique, Arabie saoudite, Iran, Tunisie, Yémen s'attaquent plutôt aux contenus sociaux et les sites dissidents et extrémistes sont filtrés en Birmanie, Chine, Iran, Pakistan, Corée du Sud. L'étude note cependant que, de façon surprenante, aucun filtrage n'a été constaté dans des pays tels que l'Afghanistan, l'Egypte, l'Irak, Israël, la Malaisie, le Népal, la Russie, le Venezuela et le Zimbabwe, indiquant que la censure augmente en même temps que le taux de pénétration d'Internet dans les pays. En conséquence, l'Oni, un partenariat entre les universités britanniques d'Oxford et Cambridge, américaine de Harvard et canadienne de Toronto, s'attend à une hausse de la censure dans les années à venir. «Peu d'Etats limitent leurs activités à un seul type de contenu. Une fois que le filtrage a commencé, il est appliqué à une large palette de sujets et peut être utilisé pour accroître le contrôle du cyberespace par les gouvernements», a noté Rafal Rohozinski de l'université de Cambridge.