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Combien, comment et où sont placées les réserves de change de l'Algérie à l'étranger ? : Dix questions au Gouverneur de la Banque d'Algérie
Publié dans Le Financier le 19 - 03 - 2010

Dr Abderrahmane Mebtoul / Expert International Economiste
«Le plus difficile au monde est de dire en y pensant ce que tout le monde dit sans y penser» (Émile Chartier)
Une panique sur la cote Algérie au niveau des institutions financières internationales, équivalente au scandale récent de Sonatrach, suite à la déclaration du ministre de la Promotion de l'investissement algérien en date du 12 mars 2010, qui s'est rétracté 24 heures après, et le démenti du ministre des Finances en date du 13 mars 2010, véritable cacophonie au niveau des structures gouvernementales, concernant un éventuel rapatriement de nos réserves de change placées à l'étranger, a contribué à ternir l'image de l'Algérie au niveau international.
Cela démontre l'urgence d'une communication transparente, pour un débat démocratique, afin d'éviter de fausses rumeurs. Etant le seul habilité -selon la loi sur la monnaie et le crédit- étant placé sous la haute autorité du président de la République et non du gouvernement, votre institution, est la seule habilitée à gérer, rapatrier, placer les devises et que toute autre déclaration est nulle et non avenue et n'engage pas l'Etat algérien, permettez-moi de vous poser dix questions afin d'éclairer la population algérienne qui a une faible culture économique, mais propriétaire ipso facto de ces réserves, autant que les réserves d'hydrocarbures, étant en droit de savoir comment elles sont utilisées.
1. La première question qui se
pose d'abord quel est le montant placé à l'étranger ? Le Ministre des Finances, interrogé par les députés à l'APN en novembre 2008, avait affirmé que 80% des réserves de change de l'Algérie alors estimées à environ 140 milliards de dollars, et selon la Banque d'Algérie au 01 mars 2010, à 147 milliards de dollars.
Y compris les réserves d'or dont la valeur fluctue selon la valeur de l'once d'or, étaient placées à l'étranger, sans donner aucune précision, certainement par des structures étrangères, l'Algérie ne possédant malheureusement que peu de spécialistes en engeenerenie financière. Et on revient à l'importance de la ressource humaine, pilier de tout développement fiable.
2- Deuxième question : quelle
est la structure du placement, la part en bons de Trésor, dans ce cas garantis par les Etats, la part dans des banques internationales privées dites bien cotées AAA, la garantie étant moindre, encore que pour ces dernières avec la crise économique d'octobre 2008, bon nombre de ces banques ont été déclassées. Comment ne pas rappeler l'information d'une extrême gravité, publiée par la presse algérienne en février 2010, affirmant que la Sonatrach aurait placé avec l'Accord de la Banque d'Algérie plus de 2 milliards de dollars dans une banque émiratie , information non-démentie ni par la banque d'Algérie, ni par le ministère des Finances, ni par le ministère de l'Energie et des Mines. Qu'en est-il avec la semi-faillite financière d'Abu Dhabi ? Rumeur ou vérité ?
3.- Troisième question: existe-
t-il une gestion active de nos réserves de change et dans quelles monnaies elles sont libellées : dollars, euros, yen, livres sterling. L'information selon laquelle la structure serait de 45% en dollars, 45% en euros, 5% en livres sterling et 5% en yen est-elle vérifiée ? Ce, d'autant plus qu'il y a eu depuis janvier 2000 (cotation 0,90 dollar un euro) à janvier 2010 une dépréciation du dollar de plus de 40% ?
4- Quatrième question: le pla
cement s'est-il fait à long terme, à moyen terme ou à court terme et quelles sont les parts respectives ?
5- Cinquième question : a quel
moment et à quel taux d'intérêt se sont fait ces placements, avant la crise, pendant la crise d'octobre 2008, sachant que les principaux taux directeurs des banques centrales ont été ramenés vers zéro et avec le taux d'inflation mondial même très faible, le rendement des placements peut être négatif ?
6- Sixième question : le rapa
triement des réserves de change peut-ils se faire sans l'accord des partenaires (quelles ont été les clauses du contrat) sans compter qu'un rapatriement prématuré fait perdre une fraction des intérêts prévus ?
7- Septième question : s'il ya
rapatriement, n'est-ce pas la conséquence des dernières mesures gouvernementales où le financement se fait en priorité sur fonds propres dans la mesure où le secteur privé national opérant dans la sphère réelle est dans sa majorité fortement endetté, puisant lui même une grande fraction de son financement au niveau des banques locales, ayant une épargne faible, et se pose cette question : en économie ouverte, la politique socio-économique actuelle se fondant sur un retour au volontarisme étatique est-elle fiable ?
8- Huitième question liée à la
précédente, les dernières mesures gouvernementales des 49/51% donnant la priorité dans le capital à l'Etat, encadrant donc l'investissement étranger, et ces mesures techniques seront-elles suffisantes pour enclencher un véritable développement hors-hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux (couple couts qualité pour faire face à l'inévitable concurrence internationale ?
9- Enfin, neuvième question :
le blocage actuel ne réside-t-il pas dans le manque de visibilité, de cohérence dans la démarche gouvernementale, liés à la panne dans la réforme globale, une gouvernance mitigée freinant la dynamique économique fondée sur la valorisation du savoir actuellement dévalorisée au profit des emplois rentes, et donc ne permettant pas un transfert du savoir faire organisationnel et technologique, des entreprises concurrentielles s'adaptant aux mutations mondiales freinées par une bureaucratie paralysante et un système financier lieu de distribution de la rente sclérosé , la société reposant sur la rente des hydrocarbures (brut et semi-brut) qui a engendré malheureusement une corruption socialisée qui devient un danger pour la sécurité nationale.
10- Dixième question : devant cette situation instable, en évitant d'imputer toujours la faute à l'extérieur, alors que le mal profond est avant tout en nous, ce discours populiste ne portant plus, même en rapatriant les réserves de change, la majorité des hommes d'affaires étrangers ou nationaux ne préfèreront-ils pas les actions de court terme, sans risques sachant qu'ils seront payés avec l'importance des réserves de change qui avec la mauvaise gestion peuvent aller vers l'épuisement avec un impact socio-économique mitigé? Car l'important n'est pas de dépenser en arguant des réalisations physiques, tout le monde même celui qui n'a pas le certificat d'études sait dépenser en faisant appel aux compétences étrangères, mais de bien gérer sur la base de la dominance de compétences nationales.
Docteur Abderrahmane MEBTOUL [email protected]
Professeur d'Université en management stratégique Expert International


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