Le système judiciaire algérien se retrouve totalement privé de juridic-tions administratives de base depuis le samedi 23 avril, date de l'entrée en vigueur du Code de procédure civile et administrative. Cette situation, qui est à mettre sur le compte de la non-installation des tribunaux administratifs, risque d'avoir des conséquences désastreuses. L'ordre juridictionnel administratif est totalement bloqué depuis une semaine. L'entrée en vigueur, le 23 avril dernier, du code de procédure civile et administrative a officiellement mis un terme à l'existence des Chambres administratives installées au niveau des Cours de justice. Ce blocage institutionnel est à mettre sur le compte de la non-installation des tribunaux administratifs. Ces derniers étaient censés prendre le relais des Chambres administratives. Pour mieux comprendre cette situation inédite, il est nécessaire de revenir à 1996, année de l'amendement de la Constitution. Lors de la révision de la Loi fondamentale, le président Liamine Zeroual décide de revoir l'organisation judiciaire en instaurant un ordre juridictionnel administratif en complément de l'ordre juridictionnel ordinaire. Le Conseil d'Etat, «organe régulateur de l'activité des juridictions administratives», est officiellement institué (article 152 de la Constitution). En 1998, le Parlement adopte deux textes législatifs: le premier consiste en une Loi organique relative aux compétences et à l'organisation du Conseil d'Etat. Le second texte a trait aux tribunaux administratifs. Pour mettre en œuvre ces dispositions, le Chef du gouvernement de l'époque, Ahmed Ouyahia en l'occurrence, signe, le 14 novembre 1998, un décret exécutif. Ce texte d'application détermine avec exactitude les compétences territoriales des 31 tribunaux administratifs. Mais voilà, en attendant l'installation de ces juridictions de base, le législateur décide de laisser la gestion des affaires aux Chambres administratives relevant des Cours et qui ont été créées à la faveur de la promulgation du code de procédure civile du 8 juin 1966. «A titre transitoire et jusqu'à l'installation des tribunaux administratifs territorialement compétents, les Chambres administratives des Cours ainsi que les Chambres administratives régionales demeurent compétentes pour connaître des affaires dont elles sont saisies, conformément au code de procédure civile». Le système administratif algérien comporte donc deux niveaux: les Chambres administratives des Cours, juridictions de base dont l'activité n'est que provisoire et le Conseil d'Etat, juridiction suprême en matière de droit administratif. Le provisoire durera 10 bonnes années. En 2008, le gouvernement soumet le projet de code de procédure civile et administrative au Parlement. Cette Loi- un texte de 1.065 articles- est adoptée haut la main par les membres des deux Chambres du Parlement. Ses dispositions sont censées consolider la réforme du système judiciaire engagée depuis le premier mandat d'Abdelaziz Bouteflika. Mais le code s'avère être un piège. En son article 800, cette Loi confirme une nouvelle fois le rôle des tribunaux administratifs : «Les tribunaux administratifs sont les juridictions de droit commun en matière de contentieux administratif. Ils connaissent en premier ressort et à charge d'appel de toutes les affaires où est partie l'Etat, la wilaya, la commune ou un établissement public à caractère administratif». Les Chambres administratives sont, quant à elles, dissoutes de plein droit à travers l'article 1064: «Sont abrogées, dès l'entrée en vigueur de la présente Loi, les dispositions de l'Ordonnance n°66-154 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure civile». Tout aurait pu très bien se passer si le ministère de la Justice avait procédé à l'installation des tribunaux administratifs, comme cela est prévu depuis plus de 10 ans. Il en avait largement le temps. Le code de procédure civile et administrative n'est rentré en vigueur que le 23 avril dernier. «Les dispositions de la présente Loi entrent en vigueur une année après sa publication au Journal officiel », peut-on lire dans l'article 1064. Il n'en fut rien. Reste aujourd'hui une série de questions sans réponses : pourquoi le ministère de la Justice n'a-t-il pas installé les tribunaux administratifs ? Qui est responsable de ce vide institutionnel ? Où devront s'adresser les citoyens souhaitant ester en justice l'administration ? Quel est le devenir des arrêts de justice rendus la semaine dernière par ces structures dénommées précédemment «Chambres administratives » ? Quel sort sera réservé aux affaires pendantes au niveau de ces structures ?