Pourquoi l'Algérie refuse-t-elle les financements étrangers? Le Directeur du département Méditerranée et Moyen-Orient à l'Agence française de développement (AFD), Etienne Viard, a accordé une interview à notre confrère «El Watan» où il donne une esquisse de réponses à cette question ainsi que les prolégomènes de la politique du financement algérienne. Selon cet expert, l'Algérie ne veut plus s'endetter auprès des bailleurs de fonds ou des institutions financières. C'est une stratégie prise depuis déjà cinq années. C'est pour cette unique raison que l'Agence française de développement (AFD) n'investit plus en Algérie. Interrogé sur le refus algérien de se solliciter les l'AFD à cause des relations perturbées avec la France, l'expert français répondra que «le gouvernement algérien est souverain dans les décisions qu'il prend. Mais à mon avis, ce choix est motivé par le fait que le pays engrange actuellement des ressources financières importantes dues à la hausse des prix du pétrole sur le marché international et l'Algérie estime inutile de s'endetter (…) En revanche, je ne pense pas qu'il y a un lien entre les relations politiques algéro-françaises et les financements de l'AFD pour le développement de moment que le gouvernement algérien refuse de s'endetter même auprès des autres institutions comme la BEI ou la Banque Mondiale. Cependant, il ne faut pas ignorer que la France reste toujours le principal partenaire économique de l'Algérie». Quant au rôle liminaire de l'AFD, celui de financer les projets des pays de la Méditerranée, il reste confronté à des blocages politiques importants. D'après Etienne Viard, «le processus n'a jamais été bloqué sur le plan des projets de développement. C'est que des difficultés d'ordre diplomatique importantes existent toujours mais la dynamique des projets avance à tel point qu'elle a donné un nouvel élan au processus de Barcelone largement critiqué par les pays du Sud (la rive africaine de la Méditerranée, ndlr) qui reprochent à l'Union européenne d'avoir favorisé les pays de l'Est à leur détriment. Avec l'installation de son secrétaire général, l'UPM est désormais une nouvelle institution internationale qui vient d'être créée. Par ailleurs, le responsable de l'AFD est revenu sur les investissements de son agence en Algérie : «l'Algérie a été l'un des piliers de l'intervention de l'AFD dans la zone Afrique du Nord-Moyen Orient, mais récemment, le Gouvernement algérien a fait le choix de ne plus s'endetter (…) Cependant, nous avons quelques projets qui sont toujours en cours dans le secteur des transports et dans le cadre des programmes de reconstruction des zones touchées par le tremblement de terre de 2003 (Boumerdes)». Et d'ajouter que «l'Afrique du Nord est une région stratégique pour l'AFD. Elle est considérée comme une zone prioritaire et représente 25% des engagements de l'AFD à travers le monde. Les financements accordés aux pays de la rive sud méditerranéenne sont de très forte croissance comparativement aux autres régions du monde où l'AFD est engagée. Depuis 2002, la croissance moyenne des engagements de l'AFD dans cette région dépasse les 20% par année et cette tendance s'est poursuivie jusqu'à 2009. A la fin de l'année dernière, les engagements de l'AFD dans cette région, d'une façon globale, dépassent 1,1 milliard d'euros, alors qu'en 2002 ce volume ne dépassait pas les 400 millions d'euros. Les projets de développement financés par l'AFD se situent dans plusieurs pays du Maroc à l'Ouest de la région, jusqu'à la Turquie à l'Est ». In fine, l'Algérie a entamé une stratégie de financements des projets des deux programmes quinquennaux du président Bouteflika qui se voulait d'autosuffisance. Mais en l'absence de méthodes parcimonieuses, ces projets ont englouti des centaines de milliards de dollars. Aussi, l'Algérie est plus libre de rallonger les budgets de ses projets a contrario si elle était dépendante d'une institution financière étrangère.