L'économie algérienne est sous la tyrannie du statu quo. Le taux de l'inflation s'est maintenu aux alentours de 5,5%, durant le mois de février 2010. L'essor des prix des produits alimentaires en est la cause, relèvent des économistes. C'est en tout cas ce qui ressort des chiffres de l'ONS (Office national des statistiques), publiés hier, qui restent antagoniques par rapport aux déclarations du ministre des Finances. En effet, Karim Djoudi avait déclaré lors de l'inauguration du bureau national de la Banque africaine de développement à Alger, que le taux d'inflation en Algérie devrait connaître une baisse considérable en 2010, se situant autour de 3%. Impossible répondent des économistes -dont le Docteur Abderrahmane Mebtoul- qui accuse un dérèglement général et généralisé des mécanismes économiques. «Dans la pratique des politiques économiques se combinent à la fois une politique monétaire active, mais également une politique budgétaire ciblée. Les enquêtes montrent clairement que n'existe pas une corrélation stricte entre l'augmentation des salaires -donc de la masse monétaire mise en circulation- et le niveau général des prix», explique le Docteur Mebtoul. Les augmentations des salaires de la Fonction publique et l'essor continuel des prix des produits de grande consommation accentuent, selon le même professeur, le taux de l'inflation. Selon l'ONS, le rythme d'inflation en glissement annuel (février 2010-février 2009) s'est élevé à +5,5%, soit un taux légèrement en baisse par rapport à celui enregistré au cours de l'année écoulée (+5,7%). Les experts de l'ONS ont aussi indiqué que l'indice des prix à la consommation a connu une variation de +4,2% durant le mois de février 2010, soit une hausse plus importante que celle relevée le même mois de 2009 (+1,5%). Ce développement du taux de l'inflation est le résultat de la hausse des prix des biens alimentaires qui ont augmenté de 5,7% par rapport au même mois de l'année écoulée. Les économistes pensent qu'il n'est pas normal que les prix locaux des services soient orientés vers une tendance inflationniste dans une période où le reste du monde enregistre des niveaux déflationnistes très bas, sinon nuls, en raison des effets de la crise financière sur les économies mondiales. Le même son de cloche émane d'un économiste de l'université d'Oran, Mohamed Bahloul, qui estime que la persistance de l'inflation est «le résultat de la désorganisation des mécanismes de régulation au niveau local». D'après le professeur Abderrahmane Mebtoul, «le constat en Algérie est l'absence d'une véritable concurrence, faisant que les circuits entre le producteur et le consommateur (les grossistes informels) ont tendance à se rallonger ; la marge commerciale pouvant représenter 2 à 3 fois le prix de production (surtout dans le domaine agricole). «Ces faits découragent le producteur immédiat et l'orientent vers des activités spéculatives et font que la politique d'encadrement des prix peut s'avérer d'une efficacité limitée, en fonction des moyens mis en œuvre, dans la mesure où le contrôle des prix repose sur le détaillant qui ne fait que répercuter ces surcroîts de distribution», explique le Professeur Mebtoul. C'est aussi une question de prix ! Dns tous les cas de figures, ce processus inflationniste est accru par la mainmise de la sphère informelle, produit de la bureaucratie centrale et locale qui entretient des relations diffuses de corruption avec cette sphère, (expliquant que les rapports internationaux des trois dernières années 2005/2007 classent l'Algérie à un niveau de corruption élevé), qu'il s'agisse d'intégrer intelligemment, loin des mesures bureaucratiques peu efficaces, contrôlant 40 % de la masse monétaire en circulation avec une intermédiation financière informelle, précise Abderrahmane Mebtoul. Comparativement au mois de février 2009, tous les «produits de consommation du panier», représentatif de la consommation des ménages, ont enregistré des hausses. La plus prononcée a été celle des groupes «alimentation-boissons» (+5,76%), «meubles et articles d'ameublement» (+2,7%), «santé-hygiène corporelle» (+2,52 %), «habillement et chaussures» (+2,11%), «logement et charges» (+2,10%) et «éducation - cultures et loisirs» (+1,74%), selon l'ONS. Cette variation est induite essentiellement par les prix, dont les produits agricoles frais (+4,5%) et les produits alimentaires (+6,8%). A l'exception de la baisse qui a concerné les prix de la viande de poulet (-15,8 %), des œufs (-15,2 %), de la pomme de terre (-6,8 %) et des légumes frais (-1,07%), le reste des produits s'est caractérisé par des hausses -dont la plus prononcée- a touché le sucre et produits sucrés avec +50%. Cette tendance haussière a également concerné les fruits frais (+42,3 %), les viandes de bœuf (+15,04%), poissons frais (+11,8%), les boissons non-alcoolisés (+14,06%) et les viandes de mouton (+7,4%), précisent les données statistiques de l'Office. L'indice des prix a aussi augmenté pour les biens manufacturés (+2,9%) et pour les services (+2,7%) en février dernier par rapport au même mois de l'année 2009.