L'inflation est en hausse depuis plusieurs mois. Elle est de 5,7% durant les neuf premiers mois de l'année en cours. Quelle est votre lecture ? Le chiffre me semble exagérément bas. L'on ne prend généralement en compte que les prix officiels et administrés. Le calcul de l'inflation ne prend pas en considération, à titre d'exemple, les prix du logement qui sont relativement élevés, contrairement aux prix déclarés par les instances en charge. Le même calcul ne comprend pas aussi les chiffres de l'économie informelle qui sont aussi énormes. Ceci dit, à mon avis, l'inflation ne devrait pas être située à 5,7%. Une question mérite d'être posée : d'où vient cette poussée inflationniste Depuis très longtemps, l'Etat injecte de l'argent dans des secteurs qui ne sont pas productifs. Le caractère rentier et distributif de notre économie ainsi que les pratiques économiques de l'Etat mènent inévitablement à une poussée de l'inflation. L'économie algérienne n'est aucunement productive, elle se base sur les recettes pétrolières qui sont injectées sous forme de dépenses sociales ou bien dans des investissements publics concentrés sur les infrastructures de base qui ne génèrent pas de richesses. Nous avons, d'une part, une masse monétaire sans cesse en augmentation et, d'autre part, nous avons une économie qui demeure tributaire à 97% des hydrocarbures depuis pratiquement 1977. Le gouverneur de la Banque d'Algérie a annoncé, à l'APN, que le gouvernement maîtrisait jusqu'ici l'inflation. La nouvelle hausse de l'inflation n'est-elle pas en contradiction avec le discours officiel ? Le discours des responsables en charge de ces questions tend à rassurer, en dépit d'une réalité économique catastrophique. Pour ce qui est des indicateurs macroéconomiques, comme l'inflation, le gouvernement a entrepris des réformes qui n'aboutissent toujours pas. L'absence de productivité, une situation lamentable de l'industrie, caractérisée surtout par des entreprises déstructurées et déficitaire. L'absence d'une production nationale régulée a conduit à une hausse généralisée des produits de large consommation. Cette situation a poussé l'Etat aussi à s'investir dans l'importation qui a généré ce qu'on appelle l'inflation importée. Le taux officiel de l'inflation ne cacherait-il pas un taux réel beaucoup plus important ? Je pense que l'ensemble des statistiques fournies, notamment celles liées à l'inflation, ont cette caractéristique de relativité, parce que tout simplement elles (les statistiques) ne prennent pas en considération les chiffres émanant de l'économie informelle qui échappent aux statistiques. Il faut reconnaître que nous avons une économie informelle qu'on n'arrive pas à quantifier. Cette relativité des chiffres avancés est due aussi à la nature des organismes en charge des statistiques économiques, des institutions qui sont rattachées au ministère des Finances et qui manquent donc d'indépendance et d'autonomie. Je vous donne le cas du Cnes qui, au temps de M. Mentouri, n'a cessé de tirer la sonnette d'alarme en faisant des rapports réguliers, il donnait même des chiffres qui contredisaient les rapports de l'ONS, mais le CNES a été vite redressé pour servir l'information statistique officielle. D'autres chiffres, liés surtout à la pauvreté et au chômage en Algérie, manquent de crédibilité, car ils proviennent d'institutions officielles, à l'instar des services rattachés au ministère de la Solidarité ainsi qu'à celui du Commerce. Il faut dire que le monopole politique de l'Etat sur l'information statistique a fait que celle-ci devienne incapable de servir l'économie nationale. Le projet de loi de finances pour l'année 2010 prévoit un taux d'inflation de 3,5%. Est-ce possible ? Il me semble que cela ne peut pas être réalisable en l'absence d'une économie productive. Ce qu'on n'oublie souvent, c'est que le nombre de la population est en constante augmentation, ce qui pose aussi le problème de la disponibilité des produits de large consommation. Nous sommes aujourd'hui 35 millions d'habitants, les besoins sont énormes et ne sont pas satisfaits par la production nationale qui reste insignifiante. L'Etat n'a de recours qu'aux recettes pétrolières pour satisfaire les besoins. Et le recours aux importations de biens alimentaires provoque des poussées inflationnistes dues soit à la hausse des prix sur le marché local, soit à l'importation de l'inflation suite à l'augmentation des prix sur les marchés internationaux. L'inflation est produite aussi par le fait que la masse monétaire en circulation dépasse largement les capacités productives de l'économie nationale.