2ème partie Docteur Abderrahmane MEBTOUL Au cours de ces vingt dernières années, le football professionnel a connu un développement économique majeur, cette forte croissance économique coïncidant avec l'entrée de la télévision dans le monde du sport et du Football en particulier et donc, à un très fort accroissement des recettes lié à la commercialisation des droits de retransmission télévisuelle des compétitions. Pour les opinions d'autres experts plus mesurés, il n'existe pas de corrélation et il faut évier l'euphorie, car les performances d'une équipe nationale peuvent varier selon la santé économique du pays. Du côté de la Bourse, une étude menée par des universitaires du Massachusetts Institute of Technology, de l'université de Dartmouth (Etats-Unis) et de l'Ecole de management de Norvège, montre que seules les défaites ont un impact sur les cours de Bourse, les victoires ne se traduisant pas toujours par une hausse. Selon cette étude, un échec fait perdre en moyenne au marché 0,38% au premier tour de la Coupe du monde, lorsqu'une défaite n'est pas toujours synonyme d'élimination, et 0,49% lors des matchs à élimination directe. Une autre étude menée à la Bank of America-Merrill Lynch en 2008 note que de la Suisse, en 1954, à l'Allemagne, en 2006, les pays organisateurs ont en moyenne enregistré pendant l'année de la Compétition une croissance économique inférieure à leur rythme habituel. Leur PIB augmente en moyenne de 2,3 % lors de l'événement, contre 3,1 % en dehors de l'épisode footballistique. Ainsi, les Français ont bien davantage consommé en 2000 qu'en 1998. En 1974, l'Allemagne n'a pas échappé aux effets dévastateurs du choc pétrolier. L'Argentine, en 1978, et le Mexique, en 1986, ont même connu une récession (- 3 % chacun). 4.- La coupe du Monde et l'Afrique du Sud Il est indéniable que l'Afrique du Sud est un grande puissance économique, étant d'ailleurs classée au niveau des Instituions internationales, parmi les pays émergents expliquant sa présence au niveau du G20. Mais la question qui se pose est la suivante : la première Coupe du monde sur le sol africain représente t- elle une opportunité unique d'instaurer les fondations d'un modèle économique viable pour le Football africain ? Si les défis à relever sont nombreux (développement des infrastructures, professionnalisation des clubs, développement de la formation...), Ineum consulting et Euromed Management de janvier 2010, soulignent les atouts du Football africain, avant tout la passion populaire pour le sport N° 1 du continent, mais aussi la valeur sportive et économique des meilleurs joueurs. Problème, parmi beaucoup d'autres : l'argent du talent profite trop peu aux pays où il a pris racine. «Pour bénéficier véritablement de son intégration au marché international des transferts, le Football africain doit absolument construire un modèle économique lui permettant de renforcer son pouvoir de négociation», insistent les auteurs qui prônent une implication des investisseurs privés locaux et extérieurs comme des états ou des mécènes. Les auteurs préconisent «non pas un mais des» modèles de développement qui tiennent compte de situations économiques fortement contrastées. Cette professionnalisation doit également permettre à l'Afrique de conserver ses meilleurs joueurs plus longtemps.» Les nouveaux règlements FIFA, qui ont limité puis interdit (en 2009), la venue de joueurs de moins de 18 ans, favorisent toutefois la formation locale. Une chance pour l'Afrique, sauf si, faute de formation de qualité, ses équipes nationales étaient exclusivement composées demain de joueurs... nés en Europe. Dans ce contexte, qu'en est- il des impacts d'une telle encontre en Afrique du Sud, devant distinguer la rentabilité financière à court terme de la rentabilité économique à moyen terme ? Une étude intéressante vient d'être réalisée par l'hebdomadaire français l'Expansion sous la plume de Franck Dedieu en date du 01 février 2010, qui montre que l'Afrique du Sud dépenserait 4,3 milliards d'euros depuis 2005, minimum puisque les neufs villes hôtes et les provinces ont fait des dépenses et on ne sait pas, si elles sont comptabilisées dans ce montant , qui a consisté à la construction de nouvelles routes, cinq nouveaux stades, rénovations de cinq autres, la modernisation du système de télécommunications et le recrutement de 44.000 agents de polices supplémentaires. Au départ des prévisions, le Gouvernement Sud africain espérait tirer un profit de 10 milliards en termes de retombées financières et attirer 300.000 étrangers, alors qu'ils étaient prévus 450.000. Selon les estimations du Ministre des finances Sud africain cette rencontre devrait contribuer à un demi-point de croissance en 2010 et plus entre 2011/2013, avec de nouveaux investisseurs, à court terme, les infrastructures où selon la même source ayant permis la création de 700.000 emplois directs et indirects. Mais en réalité nous avons deux estimations contradictoires : pour l'une Pretoria dépenserait 30 % de plus que prévu pour ses stades et ses infrastructures, la note devant se monter à 7 milliards d'euros, pour 3,7 milliards de recettes de billetteries ; d'autres estimations donnent environ 3,2 milliards de dollars de recettes dont il conviendrait d'ajouter , deux milliards pour les droits audiovisuels , un milliard pour le marketing et 120 millions de dollars pour l'hébergement, soit un total qui ne dépasserait pas 5,3 milliards de dollars et le pays compte sur les devises des touristes pour équilibrer ses budgets, la Fédération internationale de football tablant sur 980 millions d'euros. 5- Conclusion - Eviter la dérive financière En résumé quoi qu'il arrive, il est très difficile, surtout dans le contexte de la crise actuelle, de tirer des conclusions précises sur les conséquences économiques qu'aura la Coupe du Monde 2010 sur l'économie de l'Afrique du Sud, du moins dans le long terme. Sur le plan strictement économique par l'effet de substitution des achats, le surplus de consommation ne profitera pas totalement aux industriels locaux, la moitié des produits achetés pour l'événement étant importés. Comme dit l'adage « dans le fond, le Foot ressemble à l'économie «une majorité d'individus assiste au spectacle, mais seule une minorité commerçante et industrielle en perçoit les dividendes» D'une manière générale, sans parler des violences qui commencent à prendre de l'ampleur, le sport est devenu une industrie et dans ce contexte ne saurait échapper à la crise internationale à cause de ses nombreux liens avec le marché financier, la simple raison étant que le modèle de recettes sportives est devenu de plus en plus lié au monde des affaires. Pour limiter les dérives financières et relancer l'intérêt sportif, le Football professionnel a besoin de nouvelles règles. Pour préserver son avenir de long terme, le Foot a moins besoin de nouvelles recettes, qui risquent d'être englouties dans les transferts de joueurs, que de régulations qui arbitrent de manière plus équilibrée entre recherche du profit et les aléas des compétitions donc d'une profonde moralisation à l'instar de la crise du capitalisme avec cette suprématie de la finance sur l'économie réelle et une distorsion croissante entre des salaires réels en baisse et les profits spéculatifs en hausse. Aussi, pour les pays du tiers monde comme la majorité des pays d'Afrique, le problème essentiel, devant éviter toute instrumentalisation politique de ce sport noble, est avant tout une nouvelle gouvernance (dont la corruption qui prend une ampleur inquiétante), fondée sur un Etat de droit, plus d'efficacité économique couplée avec une profonde justice sociale et plus de démocratie. Après l'euphorie sportive, la majorité des populations seront à nouveau confrontées à la dure réalité économique et sociale, c'est dire le niveau de leur pouvoir d'achat et les gouvernants de trouver des solutions adéquates pour un développement durable.