Les bases de la création d'une institution bancaire méditerranéenne ont été posées dans un rapport de réflexion sur la question qui devrait être bientôt rendu publique. Bien que le document dont il a été chargé par le président français Nicholas Sarkozy n'a pas encore été remis à qui de droit, le principal rédacteur du rapport, en l'occurrence Charles Milhaud, ancien responsable de plusieurs établissements bancaires de l'Hexagone et d'institutions financières européennes, a révélé tout récemment quelque bribes de la réflexion engagée. La commission qu'il préside avait chargée « d'étudier la possibilité de créer une banque dédiée au financement du codéveloppement en Méditerranée». Cette commission de onze membres (composée de professionnels et de spécialistes du secteur financier) a travaillé dans une période de temps resserrée et ses travaux ont été rythmés par des déplacements sur place dans la plupart des pays méditerranéens, et par plusieurs séances plénières de travail tenues entre mars 2010 et mai 2010. Les travaux menés ont permis de dresser un tableau des financements actuels des pays du sud et de l'est de la Méditerranée, et d'établir un bilan des forces et des faiblesses de l'existant. Sur la base d'analyses strictement techniques et professionnelles, la commission estime être en mesure d'avancer une proposition de réforme ambitieuse, apportant une valeur ajoutée par rapport aux instruments existants : la création d'une institution financière euro-méditerranéenne de codéveloppement par « filialisation » des activités méditerranéennes de la Banque européenne d'investissement (BEI). Selon les premiers éléments d'information recueillis, les financements extérieurs publics de toute nature en faveur des pays du sud et de l'est de la Méditerranée se sont élevés à environ 20 milliards d'euros en 2009. L'Union européenne est le premier intervenant dans la zone avec 2 Md€ d'aides du budget communautaire et 5 Md€ de financement de la Banque européenne de l'investissement (BEI). L'Agence française pour le développement (AFD) est devenue, elle, le premier partenaire bilatéral, avec un volume d'engagement annuel en passe de dépasser le seuil de 1 Md€. Selon le président de la commission de réflexion, ce volume significatif apparaît faible en regard des besoins d'investissement de la région puisqu'inférieur d'un facteur 10 aux estimations disponibles de la seule demande d'infrastructures. La principale limite des flux de financements externes publics est cependant moins son insuffisance quantitative que ses déficiences qualitatives. Le diagnostic déjà effectué à plusieurs reprises sur le manque de coordination entre bailleurs de fonds, le manque d'appropriation par les pays du sud, et le manque de soutien direct au secteur privé, demeure pour l'essentiel valide, malgré les réelles améliorations constatées, en particulier dans le cadre des activités de la BEI et l'effort important consenti à travers la FEMIP. La Méditerranée se trouve ainsi dans la situation paradoxale d'être sans doute la région qui a le plus d'intervenants actifs dans sa zone, tout en étant la seule à ne pas bénéficier d'une institution dédiée qui catalyserait les efforts des uns et des autres. Face à ce diagnostic, la commission estime que la création d'une institution de codéveloppement euro-méditerranéenne à travers la filialisation des activités méditerranéennes de la BEI est le scénario à privilégier. Une autre option envisagée, la création d'une institution ex nihilo, n'est d'ailleurs pas recommandée par la commission qui a estimé qu'elle demanderait aux actionnaires potentiels un effort trop important dans les circonstances budgétaires actuelles. Cette nouvelle institution serait axée sur le soutien au secteur privé, à travers notamment l'aide aux financements longs, l'accompagnement des PME dans l'accès au crédit bancaire, le développement des garanties, l'animation des marchés financiers, le soutien aux fonds d'investissement innovants et le transfert de technologie financière par l'assistance technique. Elle reprendrait par ailleurs le cadre d'activité de la FEMIP, pour assurer une cohérence opérationnelle avec la BEI. Selon les premiers éléments du rapport Milhaud, l'option retenue in fine est fondamentalement justifiée aux yeux de la commission par le fait qu'elle est la seule adaptée à l'ampleur des défis posés par l'accélération nécessaire de la croissance des pays du sud de la Méditerranée. Historiquement, les efforts d'intégration régionale se sont toujours accompagnés de la création d'un « bras armé » financier, à commencer par l'Union Européenne avec la BEI, puis avec la BERD. La commission estime donc qu'une Union pour la Méditerranée dépourvue d'un instrument financier spécifique verrait sa portée singulièrement diminuée. Si les pouvoirs publics en décidaient autrement, la commission propose à titre subsidiaire l'option de création d'un véhicule de coopération entre investisseurs publics de long terme méditerranéens. Mais la commission considère que cette option « de second rang » ne peut être jugée comme répondant à l'ampleur des défis et problèmes qu'elle a diagnostiqués.