De Mexico, Noureddine Ramzi Mexico, dimanche dernier… une journée des plus moroses, des plus silencieuses et des plus calmes. Même les cloches des églises ont été réduites au silence pour éviter les rassemblements publics en raison de la grippe porcine qui se propage d'une manière vertigineuse. Mexico ressemble ce dimanche à une ville morte alors que, traditionnellement, le dimanche c'est la grande journée de la semaine. Par contre, une fébrile activité règne dans les aéroports aussi bien à Mexico-city pour les hommes d'affaires, surtout qu'à Cancun pour les vacanciers. Des panneaux géants invitent les passagers, qui arrivent ou qui partent, de se faire connaître s'ils ressentent un quelconque symptôme, comme par exemple, la fièvre apparue subitement et sans cause apparente de maladie. Partout, les citoyens portent des masques de chirurgie à défaut d'un autre moyen de protection. C'est donc à l'aveuglette et au tâtonnement que l'on procède présentement pour tout au moins limiter l'expansion de la maladie qui fait trembler le monde, pire que la crise financière qui a secoué les Etats-Unis où, là aussi, les autorités ont déclaré, dimanche, «l'état d'urgence sanitaire» en raison de la grippe porcine après la confirmation de vingt cas non-mortels au total dans le pays, et l'annonce que la maladie devrait s'étendre dans les prochains jours. A Mexico, mégalopole de 20 millions d'habitants, l'Etat est sur le pied de guerre. On compte 1.324 malades déjà signalés dans le pays, dont 20 pour la seule journée de samedi. Dimanche, deux nouvelles personnes sont décédées et trois autres décès sont considérés, pour le moment, comme suspect. Ces nouveaux décès portent à 86 le nombre de morts apparemment liés à la grippe porcine, dont 22 confirmés au Mexique. Jusqu'à dimanche après-midi, on dénombrait huit personnes atteintes de la maladie à New York (nord-est), sept en Californie (ouest), deux au Texas (sud), deux au Kansas (centre) et une dans l'Ohio (nord). On s'attend à déceler davantage de cas de grippe porcine. Le président américain Barack Obama surveille de près l'évolution du virus et a ordonné une «réponse efficace, énergique, coordonnée», a déclaré à la presse son conseiller à la Sécurité intérieure. Tout en rappelant que la procédure d'Etat d'urgence sanitaire était «habituelle», la ministre de la Sécurité intérieure a précisé, lors de la même conférence de presse, qu'elle permettait de libérer des personnels et des fonds pour concentrer l'effort sur la prévention du virus. Des dépistages vont, en outre, être effectués sur les personnes qui se présenteraient aux frontières en provenance de pays touchés par le virus. En effet, les voyageurs présentant des symptômes, s'ils sont décelés et au moment où ils le sont, seront isolés en vertu des règles en vigueur. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé, dimanche, qu'il était «possible» que le virus de la grippe porcine «évolue» et devienne «beaucoup plus dangereux». Samedi, l'OMS avait mis en garde contre le «potentiel pandémique» du nouveau virus de grippe porcine de type A/H1N1 se transmettant d'homme à homme. Et l'économie dans tout ça ? Au Canada, la Colombie britannique a confirmé deux cas de grippe porcine dans la province. Mais l'on s'attend à plus dans les heures qui viennent, avec le retour des vacanciers ayant séjourné au Mexique, la destination soleil privilégiée des Québécois, surtout. Néanmoins, on souligne que tous les cas découverts au Canada sont bénins et qu'aucune hospitalisation n'a été nécessaire jusqu'à dimanche. Si la grippe n'a donc infecté aucune personne encore, ses effets se font déjà ressentir chez les agriculteurs. Des centaines d'entre eux auront recours à des travailleurs saisonniers mexicains dans les prochains mois, une pratique qui pourrait être freinée net si le mystérieux virus poursuit sa progression. Les exploitations agricoles du Québec, l'été venu, misent beaucoup sur la main d'œuvre mexicaine. Près de 500 entreprises québécoises, surtout des fermes, embaucheront 6.500 travailleurs saisonniers cette année. La majorité du contingent vient du Mexique. Si les inquiétudes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) se confirment et que la grippe porcine devient une pandémie, ces employés pourraient être stoppés aux douanes pour empêcher la propagation de la maladie. «Ce serait un désastre parce qu'on n'a pas, ici, la main-d'œuvre locale pour combler les pénuries», affirme-t-on. Les préoccupations sont d'autant plus grandes et importantes que le plus gros contingent de travailleurs saisonniers doit s'amener au Québec dans les prochaines semaines pour la période des semences. On attend, d'ailleurs, 300 Mexicains la semaine prochaine, et presque autant de Guatémaltèques qui feront escale à Mexico avant de se rendre au Québec. Des représentants du gouvernement canadien devaient rencontrer les autorités mexicaines, hier pour déterminer la marche à suivre dans ce dossier. D'ici là, l'Union des producteurs agricoles dit suivre la situation de près. N.R.