Le baril de Brent a atteint jeudi matin à Londres 135,14 dollars, dépassant le prix du "light sweet crude" coté à New York, en réaction à une vague d'achats spéculatifs et à un recul des stocks américains. A New York, le "light sweet crude" a également atteint jeudi un nouveau record à 135,09 dollars. Le département américain à l'Energie (DoE) a annoncé, mercredi, une fonte de 5,4 millions de barils des stocks de brut, qui étaient supposés s'étoffer. Contre toute attente, les stocks d'essence ont aussi diminué, de 800'000 barils. Seules, les réserves de produits distillés (gazole et fioul de chauffage) ont augmenté, mais bien moins que prévu. Cette annonce a encore aggravé le sentiment que l'écart entre offre et demande se resserre dangereusement au fil des mois, alors que la demande ne cesse de progresser dans les pays émergents. Cette flambée des cours du pétrole est une sérieuse menace pour la croissance mondiale, avertissent les analystes qui espèrent toutefois que l'emballement se calmera rapidement. Depuis septembre, les cours ont pris 50 dollars, et certains les voient monter beaucoup plus haut. Début mai, les analystes de la banque d'affaires Goldman Sachs n'excluaient pas un baril à 200 dollars d'ici 6 à 24 mois. Expliquant les facteurs de cette nouvelle hausse, le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, a affirmé jeudi, en marge des travaux de l'Assemblé populaire nationale (APN), que la croissance soutenue de la demande des grands consommateurs et des pays émergents et la dévaluation continue du dollar, le recul de la production du brut dans les pays gros producteurs non-Opep tels la Russie, la Norvège et le Mexique, a contribué à la hausse des cours. M. Khelil a également expliqué que la consommation des produits pétroliers aux Etats-unis devra, à terme, augmenter davantage en raison des promesses électorales faites par les candidats à la présidentielle de novembre 2008 de baisser les taxes sur les carburants au profit des consommateurs américains. En outre, la hausse des cours du brut est due aussi aux nouvelles donnes que connaît désormais le marché pétrolier à travers notamment la décision prise par l'Arabie Saoudite de ne plus procéder à l'exploration de nouveaux gisements pétroliers à partir de 2009, a-t-il ajouté. Pour le président du Centre arabe d'études pétrolières (CAEP), Nicolas Sarkis, les prix du pétrole devraient continuer à augmenter à court terme et pourraient atteindre de nouveaux seuils malgré la présence d'une offre largement suffisante pour répondre à la demande des consommateurs. "A terme, les prix du pétrole continueront à augmenter en raison, notamment, de tensions géopolitiques en Iran, au Nigeria et récemment au Venezuela", a affirmé mercredi M. Sarkis lors d'une conférence sur les mutations du marché pétrolier international et leurs conséquences sur l'Algérie. M. Sarkis a indiqué, dans le même contexte, que les cours du pétrole, qui tournent actuellement autour des 135 dollars le baril, pourraient atteindre la barre des 160 dollars avant fin 2008 malgré la disponibilité d'une offre "largement suffisante, non seulement, pour répondre à la demande en hausse continue des pays consommateurs, mais aussi pour alimenter les stocks de ces pays". Concernant l'évolution des prix sur le moyen et le long terme, M. Sarkis n'a pas voulu donner une estimation sur le niveau auquel les prix devraient atteindre d'ici 2020. Il s'est contenté de prévoir une "rechute" des prix en cas, entre autres, d'apaisement de tensions géopolitiques, notamment, entre l'Iran et les Etats-Unis. Mais ce qui est sûr, selon lui, c'est que la demande provenant, particulièrement, de pays émergents comme la Chine et l'Inde va s'accélérer fortement obligeant les pays exportateurs à puiser dans leurs capacités non utilisées et, par conséquence, continuer à soutenir les cours. M. Sarkis prévoie une demande mondiale de 117 millions de barils par jour à l'horizon 2030, soit un volume annuel de 42,07 milliards de barils, contre 86 millions de barils par jour actuellement (31,39 milliards de barils/an). En matière d'offre, le nombre et l'importance de gisements découverts au cours de ces dernières années sont en nette baisse par rapport aux découvertes réalisées dans les années 1950 et 1960 malgré le progrès scientifique et technique en matière de recherche et d'exploration, a noté M. Sarkis. A ce propos, il a estimé qu'aucun des autres pays exportateurs, y compris ceux membres de l'Opep, ne sont à l'abri d'un déclin de production. Il s'agit, seulement, d'une question de temps et de rythme de l'exploitation des réserves de ces pays, a-t-il assuré. Le même constat a été fait jeudi par M. Nordine Aït Laoussine, dirigeant du cabinet de conseil en énergies (Nalcosa), lors d'un débat organisé par le quotidien El Watan sur le thème "marché pétrolier mondial, nouveau enjeux, défis émergents". Selon M. Aït Laoussine, pour faire face au défi, l'Opep doit se préparer à pomper plus de pétrole et doit porter sa production actuellement de 40 mbj à 46 mbj en 2015 et à 60 en 2030, Mais "rien n'est sur", a-t-il dit car "il existe un doute sérieux" sur le niveau des réserves de l'Opep et le rendement des infrastructures pétrolières des pays producteurs qui sont pour la plupart vétustes.