Dès 2010, la grande majorité des JAG (Journaux à grand tirage) basculeront au " online ". Les précursseurs dans ce domaine sont les américains à l'image du New York Times qui enregistre un succès certain avec ses éditions électroniques. En Espagne, l'expérience du quotidien " El Mundo " s'avère de plus en plus payante. Dans tous les pays occidentaux, la presse compte les jours du journal en papier. Le " online " gagne ses lettres de noblesse et se fraye un chemin en opérant une émigration douce. En Algérie, on peine encore à organiser les pages web et les visiteurs du online sont en majorité des compatriotes émigrés, friands par nostalgie ou par curiosité d'informations en provenance du " bled ". Mais l'Internet gagne du terrain chaque seconde et son incursion dans la vie quotidienne des Algériens s'affirme de jour en jour. Alors, la page web remplacera-t-elle le bon vieux journal…de sitôt ? Pour l'analyste des médias Rick Edmonds, du Poynter Institute, le basculement total des journaux au "online" pourrait intervenir au début de la prochaine décennie. L'éventualité est froidement soupesée par un nombre croissant d'analystes des médias, en particulier aux Etats-Unis. Un jour ou l'autre, les journaux abandonneront le papier pour l'électronique, c'est-à-dire leurs sites en ligne. Pour un observateur avisé comme Rick Edmonds, analyste à l'Institut Poynter pour l'étude des médias (St. Petersburg, Floride), la grande transition cellulose-électron pourrait avoir lieu au début de la prochaine décennie. Rick Edmonds concède que le basculement ne devrait raisonnablement pas intervenir avant cinq ou dix ans, voire davantage. Mais, sous certaines conditions, ce scénario pourrait se jouer de manière plus précoce. Selon Rick Edmonds, qui se fonde sur l'industrie des journaux aux Etats-Unis, le passage total au online permettrait une économie de 35% des coûts de production du journal papier. Pas davantage? Non: même en ligne, un quotidien a besoin d'une rédaction forte, d'un management ou de locaux. Un journal online perdrait en outre l'essentiel de sa publicité imprimée. Vu que la pub online est actuellement dix fois plus faible que celle du papier, le rééquilibrage prendrait des années. Enfin, les revenus des ventes au numéro s'évaporeraient à jamais dans la nature. Mais si la baisse des revenus publicitaires dans les journaux papier devait encore s'accélérer (elle a oscillé entre 5 et 10% l'an dernier outre-Atlantique), et si l'offre et l'attrait des sites online devaient encore se renforcer, les journaux pourraient décider de respirer un bon coup et de plonger sans espoir de retour dans l'océan d'électrons. Rick Edmonds dresse d'ores et déjà l'oraison funèbre du journal de papier dans un entretien accordé à un journal online mais aussi en format traditionnel, du moins pour l'instant. - Ne faites-vous pas preuve d'une noirceur excessive lorsque vous prédisez la fin des journaux de papier pour la prochaine décennie? Rick Edmonds : Pas du tout. Je suis moins pessimiste que nombre de journalistes qui estiment que la situation est désormais sans espoir. Je suis juste un réaliste. - Parlez-vous des seuls journaux américains, ou votre scénario concerne-t-il la presse de papier en général? - Les journaux européens connaissent dans les grandes lignes les mêmes difficultés que la presse américaine. Des deux côtés de l'océan, de plus en plus de gens estiment pouvoir se passer des journaux pour s'informer. Et la publicité migre vers d'autres supports, plus vite que prévu. Les journaux américains sont toutefois plus vulnérables en raison d'un prix de vente au numéro qui reste très bas. La presse européenne me semble également plus saine dans son équilibre publicité-ventes que son homologue américaine, plus étroitement dépendante de la pub. Cela dit, comme le montrent actuellement les marchés de l'est de l'Europe, de l'Inde ou de la Chine, la presse traditionnelle sur papier dispose d'importantes marges de progression. La situation n'est pas uniforme. Mais, d'une manière générale, l'âge d'or des journaux imprimés est derrière eux. - Vous imaginez un futur proche où des titres de presse renonceront aux imprimeries pendant certains jours de la semaine... - Il ne m'étonnerait pas que dès l'année prochaine, de grands titres fassent l'impasse une ou deux fois par semaine sur leurs éditions de papier, pour n'offrir ces jours-là que leurs versions électroniques. Les éditions du mardi sont par exemple les plus légères en publicité. Vu que les éditions dominicales des journaux génèrent souvent la moitié de leurs revenus publicitaires, on peut très bien imaginer dans quelques années un journal électronique pendant la semaine et une édition sur papier le dimanche. Il est de toute manière certain que la transition du papier au Web ne sera pas linéaire. Certains journaux l'ont déjà vécue, d'autre l'expérimenteront sous peu, la majorité ne basculera sur les écrans que plus tard. - L'apparition des tablettes électroniques du type Kindle d'Amazon offre-t-elle une échappatoire aux éditions imprimées? - Absolument. Car ces tablettes proposent une mise en page très proche des versions sur papier aux lecteurs qui ont l'habitude des journaux imprimés et n'entendent pas y renoncer. Le modèle économique d'un tel journal sur écran portable, qui reste à définir avec précision, aurait l'avantage de recapturer des revenus traditionnels de la presse écrite, en premier lieu la publicité et les abonnements. Des titres comme le New York Times ont déjà du succès avec ce type de reproduction électronique payante de leur mise en page de papier. - Vous faites peu de cas des légendaires avantages du papier journal: pratique, léger, pliable, etc. - Et j'ajouterais surtout la manière unique dont une page imprimée hiérachise l'information, joue avec les titres, les articles, les photos, les graphiques... On n'a rien trouvé de mieux pour naviguer dans l'information, pour interpeller le regard: c'est vraiment un savoir-faire extraordinaire. C'est pourquoi le potentiel des versions électroniques des pages imprimées est si intéressant. Mais rien n'est jamais acquis: les jeunes générations ne sont plus aussi séduites que les précédentes par ce type de présentation de l'information. Je vois même des jeunes qui sont tellement habitués à leurs outils électroniques qu'ils sont mal à l'aise lorsqu'ils tentent de lire un journal de papier. Ils trouvent l'expérience étrange...