Dans la longue série des débats provoqués par les gouvernements europeens sur la question des relations à l'étranger et aux étrangers, l'initiative sur les "naturalisations démocratiques", sur laquelle les Européens se prononcent dans les différents gouvernements et chambres de représentants, tient une place à part. Les consultations précédentes sur cette thématique ont toutes, peu ou prou, visé un résultat opérationnel : réduire le nombre d'étrangers en Europe, durcir les conditions de leur présence, leur accès à la nationalité ou décourager leur immigration. Que changerait l'initiative si elle était adoptée? Rien. Le peuple pourrait, dans certaines communes, récupérer le droit de désigner les candidats dignes de la nationalité communautaire, mais rien ne dit qu'il naturaliserait de manière plus parcimonieuse ou pertinente que les autorités désignées pour le faire. Sans même entrer dans les considérations supérieures liées au risque d'arbitraire et de discrimination que provoquerait cette "démocratisation" sans voie de recours, le plus absurde dans l'affaire est bien de proposer une mauvaise solution à un problème mal posé. Car les chiffres le disent : on ne naturalise pas à tour de bras et sans discernement en Europe. Et si des Francais, Espagnols ou Italiens qui le sont fraîchement devenus commettent des délits, argument de dernière heure jeté dans la campagne, ce n'est pas la réponse populaire qui garantit le risque zéro. D'où cette étrange campagne. Confondant buts et causes, assénant des slogans qui ne correspondent pas aux réalités du système de naturalisation ou tout simplement d'accueil des immigrés, elle s'est constamment superposée aux scènes de ménage internes autour de l'expulsion de centaines d'immigrés clandestins par le gouvernement Berlusconi et de l'action de la France qui grisonne. Or les députés européens de droite n'ont cessé de présenter un profil de grande fermeté sur la politique des étrangers, privant leurs propres partis d'une réserve d'oxygène politique. D'où le sentiment d'un argumentaire mince comme une feuille de papier à cigarette et d'un parti pris emprunté. Cette joute entre partis de droite et associations humanitaires, la banalisation qu'entraîne la multiplication des votations sur de tels sujets et le trouble autour du nouveau rôle de Nicolas Sarkozy et de Berlusconi au sein d'une Europe de plus en plus xénophobe ont pu faire oublier la gravité de l'enjeu. Or un "réglement massif" aurait pour seule bénéficiaire la cause humanitaire, confortée par cette victoire dans son rôle d'opposante solitaire. Par le signe de méfiance massif qu'il adresserait aux communautés étrangères installées en Europe, par l'indignité qu'il risquerait d'infliger à leurs ressortissants, il aurait en revanche un coût difficilement mesurable. A une semaine de l'Euro, quel formidable message de bienvenue !