La présidente démocrate de la Chambre basse américaine a défié le président Bush en faisant une halte à Damas. En prévoyant l'étape damascène dans sa tournée proche-orientale, la présidente démocrate de la Chambre des représentants (Chambre basse du Congrès américain), Nancy Pelosi, a lancé un défi clair à la Maison-Blanche qui avait interdit aux Américains de se rendre en Syrie avec laquelle les relations se sont notablement réduites depuis 2004. Cette visite, la première d'un haut responsable politique américain de ce niveau (en tant que présidente de la Chambre basse, Mme Peslosi vient, en troisième position de la hiérarchie américaine, après le président et le vice-président) depuis des années à Damas, a provoqué l'irritation de la Maison-Blanche dont les relations avec la Syrie sont tendues depuis l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, en février 2005 à Beyrouth. Des responsables syriens ont été mis en cause dans cet attentat par des rapports d'enquête de l'ONU, provoquant, entre autres, le rappel en 2005 de l'ambassadeur américain à Damas. Bête noire des Etats-Unis dans la région, au même titre que l'Iran, dont elle est l'alliée, la Syrie est accusée par Washington d'oeuvrer à la déstabilisation du gouvernement, pro-américain, de Fouad Siniora, et de soutenir le Hezbollah libanais et les groupes de résistance palestiniens à l'occupation israélienne, considérés par les Etats-Unis comme des terroristes. Washington reproche, d'autre part, à Damas de ne rien faire pour empêcher les infiltrations de résistants anti-américains en Irak, combattants taxés, également, d'être des terroristes. Ceci étant, la Syrie est devenue infréquentable pour l'administration Bush qui décourage ses nationaux à se rendre dans ce pays. Le point de vue que défendent les démocrates américains, à leur tête Nancy Pelosi, est différent; cette dernière, estimant que le maintien de contact avec Damas reste important comme elle le rappelait lundi à Beyrouth. Au sortir d'un entretien avec le chef de la majorité parlementaire, Saâd Hariri (un pro-occidental), Mme Pelosi a déclaré: «Notre visite en Syrie est importante pour nous, et elle est importante pour le groupe d'étude sur l'Irak (de l'ancien secrétaire d'Etat américain James Baker) qui encourage cette diplomatie et ce dialogue» avec Damas. Opposante de toujours à la politique étrangère de George W.Bush, et plus particulièrement à sa politique moyen-orientale, Nancy Pelosi, s'est opposée à la manière avec laquelle le dossier irakien à été traité par l'administration Bush. Pragmatique, la présidente démocrate de la Chambre des représentants a ainsi souligné le passage obligé, selon elle, par la Syrie pour toute solution de certaines affaires dans cette région indiquant: «Nous savons que le règlement de certains problèmes passent par Damas», précisant qu'en Syrie, où elle était arrivée hier, elle discuterait «de la question essentielle de la lutte contre le terrorisme et le rôle que la Syrie peut jouer (...) et bien sûr, du tribunal» international sur l'assassinat de Hariri. Avant son départ pour le Moyen-Orient, le département d'Etat a vainement essayé de dissuader Mme Pelosi de mettre à exécution son projet de visite à Damas. Faute donc de faire renoncer la présidente de la Chambre basse à son projet, la diplomatie américaine lui a demandé de délivrer «un signal fort» aux Syriens. Le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack, a ainsi indiqué: «Nous l'encourageons à délivrer un message fort au gouvernement syrien et à lui dire de changer d'attitude sur une série de sujets». De son côté, la Maison-Blanche n'a pas caché son dépit, selon une déclaration d'une de ses porte-parole, Dana Perino, selon laquelle Mme Pelosi a envoyé «un mauvais message» indiquant: «Nous pensons que cela envoie le mauvais message quand des personnalités officielles américaines de haut rang vont là-bas pour des séances photos qu'Assad exploite ensuite». «Nous essayons de dissuader les hauts responsables américains d'entreprendre de tels voyages» a-t-elle encore dit. De fait, l'initiative de Mme Pelosi, de même que celles de nombreux parlementaires américains, y compris républicains du camp de l'administration Bush, qui se sont rendus ces dernières semaines en Syrie, marquent un regain d'intérêt de la classe politique américaine pour un pays qui reste, en dépit de l'exclusion dont il est l'objet de la part de la Maison-Blanche, incontournable dans toute démarche pour la paix au Proche-Orient. Ce que George W.Bush et ses stratèges n'ont ni compris ni assimilé. Cela étant, Mme Pelosi se garde, cependant, de crier victoire et la visite à Damas constitue, pour elle, tout d'abord l'occasion d'écouter ce que les Syriens ont à dire, ce que Bush s'est toujours refusé de faire. Dès lors, le résultat immédiat de cette visite importe peu du moment qu'elle ouvre des perspectives de contacts dépassionnés entre la Syrie et les Etats-Unis, d'autant plus que ces derniers sont entrés dans la précampagne présidentielle de 2008 qui pourrait changer la donne politique américaine avec la possible arrivée des démocrates à la tête de la Maison-Blanche. Et ces derniers, contrairement à Bush, ne veulent pas insulter l'avenir.