Les cours du pétrole poursuivaient hier leur hausse, après leur rebond marqué de la veille, à la faveur de la faiblesse du dollar face à l'euro et des déclarations du président de la Banque centrale européenne sur une possible hausse des taux d'intérêt en juillet. Les prix ont dépassé à nouveau les 130 dollars à New York, s'envolant jusqu'à 130,58 dollars et ils ont frôlé ce seuil à Londres, à 129,97 dollars. Le baril de brut léger US a rebondi de près de six dollars jeudi, la plus forte hausse qu'il ait jamais connue en une séance, dans le sillage d'une dégringolade du dollar, la devise dans laquelle se négocie le pétrole. "Un bond de six dollars, ce n'est pas rien", constate Marc Lansonneur, responsable en Asie des dérivés sur les matières premières chez Société Générale. "Les flux financiers sont revenus. Si les cours poursuivent leur hausse, ils pourraient tester les 135 ou les 140 dollars le baril. Le marché est d'une humeur incertaine après une telle évolution". "Aujourd'hui sera un jour clé car nous allons voir si le rebond sera purement technique ou pas. Cela pourrait établir la tendance pour la semaine prochaine", ajoute-t-il. Le marché pétrolier avait plutôt été orienté à la baisse avant cela, les marchés s'inquiétant d'un recul de la demande, accrédité par la publication des stocks américains d'essence. Selon les statistiques publiées mercredi par l'Agence américaine d'information sur l'énergie, ils ont augmenté davantage que prévu, malgré la proximité de la saison estivale, avec une hausse de 2,9 millions de barils à 209,1 millions, alors que les économistes attendaient une progression de 0,4 million. Les craintes sur la demande s'étaient également renforcées après les décisions indiennes et malaisiennes de relever le cours des carburants. La flambée de jeudi, des deux côtés de l'Atlantique, est intervenue après les propos haussiers du président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet. En effet, la perspective d'un renchérissement du loyer de l'argent en Europe a fait grimper l'euro jusqu'à 1,56 dollar jeudi. Or l'affaiblissement corollaire du dollar a renforcé la valeur du pétrole, attisant les tensions inflationnistes que Jean-Claude Trichet entend précisément juguler. Un paradoxe souligné avec indignation par Olivier Jakob, du cabinet Petromatrix. Les pertes du pétrole "ont été inversées hier (jeudi, ndlr) par les commentaires de M. Trichet, montrant que la BCE vit dans un autre siècle et comprend mal l'actuelle dynamique financière de l'inflation", a-t-il commenté. "Il semble que beaucoup d'investisseurs aient utilisé la baisse du dollar comme un prétexte pour retourner sur le marché, après quelques prises de bénéfices. Cette nouvelle envolée du pétrole confirme que les tendances à long terme sont toujours intactes", estimait plutôt Andrey Kryuchenkov, de la maison de courtage Sucden.. Les spéculateurs, accusés d'avoir, sinon provoqué, du moins attisé la flambée, font actuellement l'objet d'une enquête de la part de la CFTC, l'autorité financière régulant les marchés à terme aux Etats-Unis. Ces pressions ne semblent pas les dissuader pour le moment d'aller sur le marché du pétrole. "Cela pourrait de façon perverse pousser des fonds de pension à acheter (des matières premières) avant qu'ils ne puissent éventuellement plus le faire", avançait même Olivier Jakob. Le rebond des prix signe l'arrêt brutal d'un mouvement de correction qui se dessinait depuis deux semaines. Les cours avaient perdu jusqu'à 10% par rapport à leurs records du 22 mai à plus de 135 dollars, allant jusqu'à frôler 121 dollars.