Sous ses traits avant tout économiques, l'Algérie obéit au vieil adage populaire si algérien de "ghati ech-chems bel-ghorbal " (cacher le soleil par un tamis). Car les erreurs commises aujourd'hui occuperont les premières places dans les préoccupations de demain. Même si on ne se le dit pas, l'Algérie peine à se regarder en face. Cet argument, hélas entendu de la bouche des experts chez nous, fait peine. La réalité est que quand on va chasser sur les terres des cow-boys, on adopte leurs règles. Brandir les nôtres en larmoyant ne suffira pas. L'OMC frappe désormais à nos portes à grands poings et nous déroulons le tapis rouge.Dans un climat malsain mondial de crise économique engendrant une crise alimentaire, l'Algérie est quotidiennement rappelée au bon souvenir de sa dépendance alimentaire chronique vis-à-vis de l'étranger. On importe plus de 90% de nos besoins alimentaires et notre facture qui s'élevait à 5 milliards de dollars en 2007, tournera autour de 9 milliards de dollars en 2008. Hamid Aït Amara, universitaire et spécialiste des questions d'économie agricole, l'affirmait à notre confrère B. Chellali dans son article paru dans notre édition du dimanche (in Le Maghreb n°2815). Et en évoquant l'adhésion de l'Algérie à l'OMC, l'expert estimait que " l'OMC est une machine au service des plus forts contre les plus faibles…Il y a des pays gagnants et des pays perdants, nous sommes dans la catégorie des pays perdants, parce-qu'on n'a pas les capacités aujourd'hui de construire une économie compétitive " insistait-il. De son côté le Dr Salah Mouhoubi, expert économique et membre du CNES, tirait la sonnette d'alarme en soulignant " l'Algérie est l'un des pays les plus vulnérables au monde ". Normal, quand on sait que nous sommes au point de la fameuse équation : pétrole contre nourriture. Cependant, si on en est là avec cette crise ce n'est pas la faute à l'Algérie. Notre problème est que nous nous y sommes mal préparés. Pour comprendre le mal et l'origine de cette crise faisons un tour d'horizon au cœur des marchés financiers en revenant sur le détonateur : la crise des " subprime ". Au cœur des marchés. La crise des "subprime", un sujet relativement confiné à la base, a évolué en crise du système bancaire et financier. Les deux temps forts de janvier et de mars (Société Générale (GLE.PA) et Bear Stearns) ne sont pas directement liés à la cause initiale mais à l'accélération de l'effet de domino dans le système financier engendré par l'"incontrôle" le plus élémentaire des risques. Les mois que nous venons de vivre marquent la fin d'une époque. Celle de la mise en forme de l'information qui a rendu les mensonges de plus en plus criants, décrédibilisant la qualité et lézardant la confiance. Il devient quasiment impossible d'obtenir une information objective qui permette ensuite d'examiner les éléments subjectifs. Le maniement des chiffres s'est progressivement mué en manipulation qui intègre à la base des éléments subjectifs. Dans un monde de plus en plus complexe où les enjeux deviennent de plus en plus vitaux, cela revient à piloter un avion de chasse avec l'aide du GPS bon marché d'une voiture. On passe complètement à côté de l'essentiel! L'après-crise pétrolière des années 1970 a conduit à une évolution sensationnelle de la consommation dans les pays développés accompagnée de taux d'intérêt bas. Les relais ont ensuite été assurés par la révolution micro-informatique assurant des gains de productivité exceptionnels, suivie par la vague de délocalisations la plus massive de l'histoire vers les pays émergents dont l'Algérie, contrairement à certains pays, n'a pas su profiter. Cela a permis d'importer une désinflation considérable. Des déséquilibres importants en ont résultés dans les flux de paiements. Ils ont induit un transfert conséquent de richesses. En parallèle, une politique monétaire très accommodante a entraîné un taux d'épargne négatif aux Etats-Unis! Aujourd'hui la désinflation s'est muée en inflation. Des réserves considérables constituent une épargne permettant aux pays émergents ou en bonne santé financière comme l'Algérie de racheter les joyaux industriels, alors que le système financier occidental vacille et les consommateurs voient leur revenu disponible fondre sous les hausses de prix. Devra-t-on attendre des troubles sociaux majeurs, des conflits armés pour voir nos autorités politiques prendre des mesures monétaires, fiscales, budgétaires? Les problèmes actuels pèsent sur les marchés qui intègrent une décote dans les évaluations. Mais les entreprises et les investisseurs à l'instinct le plus aiguisé sauront saisir les opportunités avec un temps d'avance. Au-delà des spéculateurs à courte vue pour qui le jeu pourrait tourner au désastre, il est urgent de revenir à une mentalité d'investisseur qui place sa stratégie dans la durée. Un monde qui change offre les plus grandes opportunités. C'est, d'ailleurs là où l'utilisation de l'épargne algérienne intervient au lieu d'être versée dans le chapitre des fonds souverains sommeillant. La mondialisation, un "jeu de massacre" "Loin d'être le ciment qui rapproche les économies et les peuples, la globalisation est devenue une formidable machine inégalitaire qui pousse les feux des désordres de toutes natures, financiers, économiques et environnementaux.". Ce constat n'émane pas de gauchistes primaires, mais de Patrick Artus, économiste de la banque française Natixis, et de Marie-Paule Virard, journaliste au sein du groupe Les Echos. Dans leur dernier ouvrage, les deux Français assurent ne "pas [de] remettre en cause la globalisation ni [de] plaider pour un improbable retour en arrière". Mais ils renouvellent leur lecture critique de l'économie, après, notamment, Le capitalisme est en train de s'autodétruire, publié en 2005. Ils s'en prenaient alors à la finance anglo-saxonne et à sa dérive court-termiste. L'éclatement de la crise des "subprime" leur a donné raison. Cette fois, Patrick Artus et Marie-Paule Virard élargissent leur propos, et c'est la qualité première de leur ouvrage. Ils offrent une synthèse argumentée de tous les récents développements économiques, de la crise financière au retour de l'inflation. La mondialisation a permis sans doute à 1 milliard de personnes (plus de 400 millions rien qu'en Chine et en Inde) de sortir de la pauvreté depuis la fin des années 1990, rappellent-ils. Cependant, le mode de croissance actuel ne leur paraît pas soutenable. D'une part, il est alimenté par une liquidité surabondante qui crée bulle sur bulle. D'autre part, il conduit à un épuisement des ressources naturelles comme le pétrole, l'eau et l'air. Cette mécanique infernale produit des tensions sociétales grandissantes. Dans les pays avancés, expliquent-ils, les plus qualifiés "sortent par le haut" parce que leur entreprise fabrique des biens ou services sophistiqués qui profitent des nouveaux marchés des pays émergents. "En revanche, les gros bataillons des moins qualifiés, dont les emplois sont exposés à la concurrence internationale, sont souvent amenés à un ajustement à la baisse de leurs salaires." D'où la crainte d'une rupture entre "les élites dirigeantes" et leurs "administrés", et les violences qui l'accompagneraient. Les auteurs écrivent "l'urgence d'agir", mais hélas proposent peu de pistes pour en finir avec ce "jeu de massacre". Enfin, ils négligent la capacité d'adaptation des acteurs économiques au signal envoyé par le marché, le prix. Un ouvrage recommandé pour nos gouvernants.