Le président afghan Hamid Karzaï a adressé dimanche une sévère mise en garde au Pakistan voisin, revendiquant le droit d'aller y "détruire les repaires de terroristes" et se posant en défenseur de la communauté pachtoune présente des deux côtés de la frontière. Les relations entre les deux pays sont tendues depuis des années, les autorités afghanes accusant Islamabad de ne pas faire suffisamment d'efforts pour empêcher des talibans afghans et des combattants d'Al-Qaïda de pénétrer en Afghanistan.Le Pakistan, de son côté, estime que Kaboul et les forces internationales, incapables de vaincre les talibans en Afghanistan, sont à l'origine de leur repli en territoire pakistanais et des violences qui ensanglantent le Pakistan. Mais dimanche, Hamid Karzaï est allé plus loin qu'il ne l'avait encore jamais fait à l'égard de son puissant voisin, fort de 160 millions d'habitants, contre près de 30 millions pour l'Afghanistan, et doté de l'arme nucléaire. "Au nom de la légitime défense, l'Afghanistan a le droit d'aller détruire les repaires de terroristes de l'autre côté de la frontière", a-t-il affirmé au cours d'une conférence de presse. "Quand ils traversent la frontière depuis le Pakistan pour venir attaquer et tuer les forces de sécurité afghanes et les soldats de la coalition, cela nous donne le droit d'en faire autant. Nous allons les pourchasser et venger tout le mal qu'ils ont fait en Afghanistan ces dernières années", a ajouté le président afghan. Le Premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani a aussitôt répondu qu'il ne tolérerait "aucune ingérence". "De même que nous n'intervenons pas dans les affaires intérieures d'un autre pays, nous ne tolérons aucune ingérence dans les nôtres", a déclaré M. Gilani, dans un entretien à la télévision. "Le Pakistan est un Etat souverain qui cherche à avoir des relations amicales avec l'Afghanistan. De telles déclarations ne contribuent pas à l'amélioration des relations entre les deux pays", a-t-il estimé. Le président afghan s'en est aussi pris à Baïthullah Mehsud, chef des talibans pakistanais, qui a engagé des négociations de paix avec Islamabad tout en avertissant qu'il poursuivrait son combat enAfghanistan. "Quand Baïthullah Mehsud annonce qu'il va se rendre en Afghanistan et mener le jihad (guerre sainte), cela veut dire que la ligne Durand n'existe plus", a souligné le président afghan, faisant allusion à la frontière qui sépare l'Afghanistan et le Pakistan. "Baïthullah Mehsud doit savoir que nous irons le pourchasser jusque chez lui. Le gouvernement du Pakistan doit le savoir également", a-t-il assuré. Pour la première fois, Hamid Karzaï a évoqué l'idée de la défense de la communauté pachtoune, tant en Afghanistan qu'au Pakistan, infligeant un camouflet à Islamabad et mettant en cause ses services secrets. "Baïthullah Mehsud est une création des services de renseignement pakistanais et a été entraîné à lutter contre les Pachtouns pakistanais et le peuple afghan. C'est le devoir de l'Afghanistan de délivrer les Pachtouns pakistanais de sa tyrannie", a-t-il asséné.La communauté pachtoune, dont est issue le président Karzaï, est répartie des deux côtés de la frontière, en Afghanistan où elle représenterait 40% des habitants, comme au Pakistan où elle est majoritaire dans les zones tribales du Nord-Ouest. Les talibans pakistanais ont vivement réagi à cette annonce. "Des milliers de moujahidine sont prêts à défendre les frontières des zones tribales et à infliger une défaite honteuse à l'Armée nationale afghane", a assuré le maulvi Omar, porte-parole du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP). Le président afghan s'exprimait alors que les relations se sont tendues entre les Etats-Unis et le Pakistan, après des frappes aériennes américaines visant des insurgés en territoire pakistanais, qui ont tué onze de ses soldats selon Islamabad.