Elle dépasse les 21 %, pour la première fois depuis 19 ans. Un chiffre qui menace la croissance du pays et nécessite une intervention rapide du gouvernement." Que Dieu nous aide à supporter ces jours difficiles. Je n'arrive plus à satisfaire les besoins de ma famille. Les prix ne cessent de grimper et nos dépenses quotidiennes se multiplient. Comment y faire face avec un salaire qui ne dépasse pas les 500 L.E. et qui n'a augmenté que de 70 L.E. ces trois dernières années ? Le gouvernement se félicite tous les jours d'avoir réalisé une croissance de 7 %. Mais pourquoi la population n'en profite pas ? ", se demande Gaber, employé au ministère de l'Agriculture et père de 2 enfants. Il est vrai que le cabinet Nazif n'a pas tenu ses promesses. Le premier ministre a, à maintes reprises, ces deux dernières années, affirmé la possibilité de réduire de moitié l'inflation qui s'alignait alors entre 7 et 15 % maximum. " La réduction de l'inflation est faisable. Il faut avoir confiance dans le gouvernement et dans sa politique ", répétait Nazif. Les économistes, par contre, voyaient les choses d'un autre œil. " L'inflation actuelle de 12 % ne sera pas inférieure à 25 % en 2009, disaient-ils il y a quelques mois. Ce que le gouvernement refuse d'admettre. Les chiffres officiels ne montrent qu'une partie de l'énorme hausse.L'inflation n'est en fait que le revers de la médaille d'une politique économique entamée à l'arrivée du gouvernement Nazif. Son objectif principal est de relancer l'économie et d'encourager les investissements et la croissance. Pour cela, il doit accepter une inflation élevée ", avait confié Omniya Helmi, du Centre des études économiques. Les économistes avaient raison. Le gouvernement a parié sur la croissance, mais le scénario voulu ne s'est pas produit sur le terrain. L'inflation n'a pas cessé d'augmenter pour atteindre au mois de mai dernier un record de 21 %, une première depuis 19 ans. A vrai dire, elle retrouve le niveau observé avant le commencement des négociations de réformes avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Selon les derniers chiffres du CAPMAS (Centre de mobilisation et des statistiques), l'inflation a enregistré au mois de mai dernier une hausse de 21,1 % par rapport à mai 2007. Tandis que l'inflation dans les zones rurales a enregistré une hausse de 22,9 % au cours de la même période. Mais le gouvernement qualifie cette hausse de conséquence directe de la flambée des prix due à la crise alimentaire mondiale, et de la dernière hausse des prix des carburants en Egypte le 5 mai dernier. " Ce bond de l'inflation est plutôt une conséquence naturelle des dernières décisions adoptées par le gouvernement - la hausse des prix de l'énergie, des moyens de transports et des produits alimentaires entre 35 et 57 % - pour permettre la hausse de 30 % du salaire des fonctionnaires décidée par le président ", explique Abou-Bakr Al-Guindi, président du CAPMAS.Sonnette d'alarmeLes explications des responsables gouvernementaux ne sont que des " justifications futiles " pour Hanaa Kheireddine, directrice exécutive du Centre égyptien pour les études économiques (ECES). " Il est vrai que les prix des produits alimentaires ont mondialement augmenté. Mais quand il s'agit d'une double hausse sur le marché intérieur, cela doit être une sonnette d'alarme. Même chose pour les dernières hausses des dérivés pétroliers. Elles doivent engendrer une hausse des prix, mais pas à ce niveau dangereux. Là, il s'agit plutôt d'exercices monopolistiques menés par les distributeurs et les commerçants. Une hausse des prix de l'octane 90 ou du gasoil, est-elle capable d'engendrer une hausse de 100 % des produits alimentaires ? Impossible. Le niveau d'inflation a vraiment atteint un niveau inquiétant et cela nécessite une intervention immédiate du gouvernement pour contrôler le marché intérieur et mettre fin à toute manipulation de la part des commerçants et des cartels monopolistes ", explique-t-elle. Elle suggère plusieurs solutions : " que le gouvernement impose un prix fixe sur les produits de base essentiels ou qu'il augmente les quotas des produits subventionnés que reçoivent les coopératives. Le plus important est d'intervenir. Le taux d'inflation actuel aura sans doute de mauvaises répercussions sur la croissance, surtout qu'il est très difficile de trouver un remède sur le court terme ", avertit Kheireddine, en assurant que la tendance à la hausse de l'inflation persistera pendant au moins 2 ou 3 mois encore. Pour d'autres économistes indépendants, la politique économique gouvernementale appliquée est loin de réduire le taux d'inflation. Selon Samir Radwan, directeur exécutif du Conseil égyptien pour l'exportation, il faut d'abord connaître les raisons de l'inflation pour pouvoir y remédier. " Il faut accroître la production des biens pour qu'elle rejoigne la demande. Or, la croissance actuelle provient de services comme la construction et les télécoms. Il n'existe pas de vraie production industrielle, ni agricole. Le défi est donc de multiplier la productivité égyptienne pour créer une croissance réelle et durable ", dit-il.Depuis la fin de 2007, il semble donc que l'Egypte subisse une vague de hausses des prix pour des raisons à la fois internationales, régionales et locales. Avec 20 % de la population frôlant le seuil de la pauvreté, les jours à venir paraissent bien ternes. Névine Kamel