Par H.ADDI Bien qu'on n'en parle presque jamais, l'entreprise algérienne est en grosse difficulté. Les PMI et PME du domaine privé mettent la clé sous le paillasson et renforcent les rangs des chômeurs chaque jour de plus en plus. En l'absence d'aide, d'orientation et de diagnostic, les patrons de PMI et PME s'en remettent souvent à cette solution de facilité : la reconversion dans le commerce et l'import.Le ralentissement, puis le recul d'une économie ont toujours pour effet une augmentation des faillites d'entreprises. Beaucoup d'entreprises en difficulté ou en crise n'ont cependant pas connu cette fin tragique: elles se sont redimensionnées, assainies ou obtiennent un soutien externe. Aucune réorganisation d'entreprise, qu'elle soit de nature stratégique, opérationnelle ou financière, ne devrait se faire sans un examen approfondi - ou diagnostic - de la situation de la société et des alternatives à sa disposition. Dans la majorité des cas, un diagnostic d'entreprise ("business review") est demandé par les créanciers bancaires de l'entreprise en question. Les relations entre l'entreprise et ses banques peuvent alors devenir tendues, le besoin d'information et de communication augmente, un risque d'incompréhension peut apparaître et dégénérer en une perte de confiance préjudiciable pour tous. C'est à ce moment qu'il convient parfois de demander un temps mort et de faire le point de la situation grâce à une revue du plan d'affaires. Une "business review" consiste en une analyse approfondie et indépendante d'une entreprise en difficulté ou peu performante, par un conseiller externe. Elle est effectuée, sur une période de temps limitée, par des professionnels expérimentés en matière de redressement d'entreprise. Le but premier est d'analyser l'entreprise sur le plan de sa stratégie, de ses produits, de ses processus, de son organisation et de sa situation financière : quel est son environnement concurrentiel ? Quelle est sa position sur le marché ? A-t-elle une organisation adaptée ? Son management a-t-il les compétences nécessaires ? Quelles sont les causes de ses difficultés financières ? Cette analyse constitue la base de réflexions ultérieures sur les chan ces de survie de l'entreprise et pour l'élaboration de différents scénarios. Concrètement, on examinera les conditions d'une restructuration sur le plan stratégique, opérationnel et financier. Dans tous les cas, un diagnostic d'entreprise aura permis à tous les partenaires de l'entreprise, mais en premier lieu les banques, d'établir une base solide d'analyse, d'identifier les causes de la crise et de disposer des éléments nécessaires pour prendre une décision sur le futur de l'entreprise. L'intervention d'un conseiller externe aura souvent eu pour conséquence de dénouer des relations devenues tendues entre la société et ses partenaires, voire au sein même de l'entreprise. Si la nécessité d'un diagnostic d'entreprise est claire dans une situation de crise, pourquoi dès lors ne pas y avoir recours dans une optique cette fois-ci de prévention ? Nous sommes d'avis qu'un exercice de "business review", de la même façon qu'il est pratiqué lors de situations de crise, devrait être effectué de façon régulière par l'entreprise, de sa propre initiative et sans la pression de ses banquiers ou partenaires. Nous pensons là aux responsabilités du conseil d'administration qui ont été singulièrement renforcées dans la pratique, alors même que la complexité de la conduite des affaires s'est accrue. L'expérience montre que le conseil d'administration ne dispose souvent pas du temps et des informations nécessaires pour assumer pleinement ses responsabilités au sein d'une entreprise. Il devrait prendre l'initiative et faire procéder à un diagnostic d'entreprise indépendant de façon ciblée. Pour rester dans l'analogie médicale, le check-up ne se ferait pas juste avant l'opération pour déterminer la nature et l'ampleur du traitement à appliquer. Il se ferait, par exemple, annuellement et comporterait l'examen approfondi de certains aspects stratégiques ou opérationnels de l'entreprise sur lesquels le conseil d'administration désirerait gagner une vision approfondie ou être rassuré parce que des doutes sont apparus. Indiquons ci-après quelques pistes d'investigation qui touchent les aspects économiques et financiers. Le conseil d'administration pourra désirer évaluer les risques d'une trop forte concentration (le fameux "Klumpenrisiko") qui résulteraient par exemple des relations trop exclusives avec un client ou un établissement bancaire. Quels sont les processus de l'entreprise en matière de stratégie et de politique d'acquisition ? Quelles sont les incidences financières futures de contrats d'acquisition ou de coopération ? L'organisation interne est-elle adaptée pour empêcher et déceler à temps les éventuelles actions frauduleuses des employés, par exemple sur le plan financier ou comptable ? L'analyse, qui sort du cadre d'une révision des comptes telle qu'elle est définie par la loi, permettra d'identifier les risques potentiels, de les quantifier et de prendre des mesures correctives ou préventives. De pareilles investigations pourront être également menées sur le plan juridique. Mentionnons à titre d'exemple l'opportunité de procéder à un examen des contrats d'acquisition conclus par l'entreprise. On pourrait également mentionner une revue des litiges, des procès en cours ou des actions en responsabilité intentées contre la société. Les grands scandales financiers qui ont marqué notre histoire récente ont eu pour conséquence un durcissement du cadre réglementaire, renforcé en Algérie par exemple par l'application de nouveaux principes. Il s'agit là, à n'en pas douter, d'une approche positive, même si elle alourdit les tâches administratives et se limite aux entreprises d'Etat et aux grosses entreprises du privé. Un conseil d'administration qui désire prendre en compte pleinement ses responsabilités et diminuer les risques, à la fois pour l'organe qu'il représente et pour la société, garde la possibilité de faire procéder à une revue sur certains aspects stratégiques et opérationnels de l'entreprise qui lui paraissent critiques. Dans ce cas, le recours à un conseiller externe permettra de garantir l'indépendance et l'objectivité indispensables à un tel exercice.