Abderrahmane MEBTOUL Expert international Le sommet du G8 est composé de huit puissances industrielles mondiales, à savoir l'Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, le Japon et la Russie. L'idée de l'élargissement du G8, défendue par le président Nicolas Sarkozy non plus d'un G8 mais d'un G13 qui, outre les économies industrialisées, comprendrait aussi la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique et l'Afrique du Sud ne fait pas toujours l'unanimité notamment avec la réticence du Japon qui est l'unique membre asiatique. Le sommet de Tokyo en ce mois de juillet 2008 a abordé trois volets essentiels comme j'ai démontré récemment dans deux interviews l'une dans le grand débat hebdomadaire à la Radio internationale algérienne avec des experts africains le 06 juillet 2008 - " le G8 et la problématique du développement de l'Afrique " l'autre -sur la détermination des prix pétroliers au niveau Algérie à Radio France Internationale ( RFI) le 9 juillet 2008. 1. Les trois dossiers prioritaires abordés du G8(1) Premier dossier la récession de l'économie mondiale et l'envolée des cours du pétrole. Cela a été l'objet des précédents sommets , la relative récession de l'économie mondiale depuis la crise des prêts hypothécaires américains d'août 2007 qui s'est répandue à l'ensemble de l'économie mondiale et les moyens de limiter ces turbulences dans la mesure où existent une financiarisation accrue avec une déconnection entre la sphère financière et la sphère réelle, la dynamique économique et la dynamique sociale , cette dernière accentuant la bipolarisation entre le Nord et le Sud et même avec des poches de pauvreté qui v ont en s'accroissant au niveau de larges couches sociales de la zone Nord. En effet, les politiques socio- économiques traditionnelles des Etats avec le processus de mondialisation sont fortement limitées d'où l'importance d'organismes de régulation à l'échelle mondiale. Lié à cela, deuxièmement l'envolée du prix du pétrole, les réunions récentes à Riad et à Madrid n'ayant pas eu les effets escomptés. Je rappelle qu'il existe quatre facteurs expliquant cette hausse des prix L'expansion inégalée de l'économie mondiale malgré l'actuelle récession des pays développés moins d e 2% de taux de croissance prévisionnel en 2008/2009 mais tirée par les économies émergentes notamment de l'Asie, la Chine et l'Inde, ces deux pays représentant plus du 1/3 de la population mondiale ainsi que la Russie qui premier producteur de pétrole (consommation intérieure plus exportation) détenant plus du 1/3 des réserve de gaz mondiale qui connaît un très fort taux de croissance d'où l'accroissement de sa consommation intérieure , le Brésil étant un cas exceptionnel ayant misé sur les biocarburants. D'où avec le modèle de consommation énergétique actuel aux USA et en Europe qui sont les deux premières puissances économiques mondiales actuelles le déséquilibre entre l'offre limitée (les réserves selon les pays devant s'épuiser entre 15 et 40 ans) et la demande en rappelant que l'Opep ne contrôle que 40/45% de la production commercialisée mondiale, les compagnies pétrolières mondiales et notamment les majors faisant des surprofits exceptionnels. Le deuxième facteur est qu'il existe une relation inversement proportionnelle entre le cours de l'euro et la baisse du dollar un baril de 100 dollars équivalant à moins de 50 euros en termes de parité euros. Le troisième facteur sont les phénomènes spéculatifs boursiers le pétrole étant une valeur refuge amplifiant ce processus Le quatrième facteur sont les taxes des pays développés car le prix à la pompe en France par exemple contient plus de 60% de taxes qui vont à l'Etat français(2). Le deuxième dossier abordé est celui de l'envolée des prix alimentaires. Plusieurs mesures sont à l'étude pour augmenter la productivité agricole dans les pays en développement, approvisionner certaines régions en semences et engrais, voire lever les restrictions aux exportations de pays riches vers les pays pauvres. Le président américain George W. Bush a suggéré à ce sommet de lever les barrières aux cultures génétiquement modifiées, ce qui ne fait pas l'unanimité. La hausse du prix du pétrole a induit des surcoûts en amont (engrais, machines)qui sont répercutés sur le prix final. Les biocarburants y ont contribué mais selon les spécialistes pour une part variant entre 5 et 7 %. Mais si la tendance se poursuit ce taux devrait accentuer le déséquilibre entre l'offre et la demande de la population mondiale 7 milliards et 3 milliards de plus dans 20 années dont plus de 70% concentré dans la zone Sud. Cela implique un doublement de la production agricole mondiale dans 40 ans si l'on veut éviter une famine généralisé Autre élément souligné à la dernière réunion de Tokyo sur la crise alimentaire, les subventions des pays développés qui faussent la concurrence au détriment des pays du Sud. Enfin l'absence d'une politique agricole mondiale tenant compte des futurs enjeux (renvoyant au problème épineux du foncier agricole) , d'où l'importance de la redynamisation des cultures vivrières locales. Le troisième dossier a été celui de l'eau, cet or bleu, enjeu du XXIème siècle et de l'environnement si l'on veut éviter la destruction de notre planète. Le Japon a fait pression pour fixer des objectifs quantifiés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais les Etats-Unis restent hostiles à la définition d'objectifs chiffrés auxquels ne seraient pas soumises les grandes économies émergentes comme la Chine ou l'Inde. Rappelons qu'au dernier sommet du G8 en Allemagne en juin 2007, il a été décidé une réduction d'au moins 50% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. En ce qui concerne le changement climatique, la Banque demande au G8 de rechercher un accord international sur les gaz à effet de serre et de créer des incitations pour étendre l'utilisation de l'énergie propre. Les discussions d'Heligendamm sur ce sujet ne touchent pas seulement le G8 mais également des dirigeants d'autres pays à fortes émissions de CO2, tels que la Chine et l'Inde. À l'occasion d'un forum de deux jours organisé par Globe International, les principaux dirigeants ont accepté l'idée d'un marché mondial du carbone, qui permettrait aux pays industrialisés de réduire les émissions mondiales de CO2 et d'atteindre les objectifs de pollution fixés par leurs gouvernements, par le biais d'achat de crédits de carbone auprès de projets respectueux de l'environnement dans les pays en voie de développement. Le marché du carbone pourrait " se développer exponentiellement " en cas d'accord post 2012 " générer entre de 20 à 120 milliards de dollars par an pour les pays en voie de développement " a déclaré Katherine Sierra, vice-présidente du développement durable. Selon elle, ces fonds sont " grandement nécessaires " pour fournir de l'électricité aux habitants des pays en voie de développement, réduire les émissions des gaz à effet de serre, mettre ces pays sur la " voie du développement à faible teneur en carbone ", et les aider à s'adapter aux changements climatiques. 2-le G8 et l'Afrique A l'initiative du premier ministre japonais qui Préside le G8, outre le Brésil, Chine,la Corée du Sud, l' Inde, l' Indonésie, la Malaisie et le Mexique, l'Afrique a été l'invitée exceptionnelle dont l'Algérie, membre initiateur du NEPAD, qui ont été présents pour réfléchir avec les grandes puissances sur l'avenir du continent. L'Afrique semble être l'objet de toutes les attentions, car elle risque de ne pas atteindre les Objectifs du millénaire fixés par les Nations Unies (ONU) en Matière de réduction de la pauvreté. Car, seulement pour 2007, une vingtaine de pays africains ont affiché une croissance soutenue de plus de 5 pour cent, mais mis à part les exportations de pétrole et des principaux produits de base, reste relativement en marge des échanges mondiaux. Ceci s'explique par l'obstacle permanent que sont les barrières commerciales entretenues par les pays riches industrialisés qui pénalisent certains marchés tels que celui du coton dans lesquels les producteurs africains pourraient réussir à l'échelle internationale, selon , Obiageli Katryn Ezekwesili, vice-présidente de la Banque mondiale pour la région Afrique pour qui : " Seule une amélioration visible du niveau de vie des citoyens peut renforcer et garantir leur soutien permanent aux gouvernements réformateurs ; cela implique d'importantes ressources financières dont le continent ne dispose pas ". Le Plan d'Action pour l'Afrique de la Banque mondiale, prend en compte l'appel du sommet de Gleneagles qui visait à accélérer l'évolution de l'aide à l'Afrique et à la coordonner. Cependant il faut reconnaître une amélioration relative puisque la moyenne de la croissance économique était de 5,5 pour cent en 2005 et de 5,3 pour cent en 2006, et 11 pays ont introduit des réformes pour réduire le délai et le coût de la création d'entreprise en 2006. Le taux de scolarisation en primaire s'est amélioré pour atteindre 96 pour cent en 2004, et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a chuté de 161 en 1990 à 149/1 000 en 2004. En 2005, le G8 s'était engagé à augmenter l'aide publique au développement (ODA) pour l'Afrique pour atteindre 50 milliards de dollars à l'horizon 2010, mais en réalité l'ODA a chuté de 35,8 milliards de dollars en 2005 à 35,1 milliards en 2006, selon le rapport "Financement du développement dans le monde 2007" de la Banque mondiale. Cela est corroboré par le rapport de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) fait état d'une baisse de 8,4% sur un an de l'aide au développement octroyé par 22 pays riches aux pays pauvres en 2007, avec un recul marqué pour le Royaume-Uni, la France et le Japon.. Or, ces chiffres de l'aide internationale au développement en 2007 traduisent un rythme de croissance inférieur à ce qui est nécessaire pour remplir les objectifs fixés pour 2010". " Ce chiffre indique qu'à part la réduction de la dette, les pays africains n'ont pas profité des promesses faites au sommet du G-8 il y a deux ans, lors de l'année de l'Afrique " a déclaré John Page, l'économiste en chef de la Banque pour la région Afrique. De plus, selon le rapport "Financement du développement dans le monde", l'Afrique subsaharienne n'a reçu que 6 pour cent des 4,9 billions de dollars de capitaux privés investis dans les économies des pays en voie de développement entre 1990 et 2006. Contraste, l'aide chinoise au développement de l'Afrique a presque rejoint en volume celle du Japon : 1 à 2 milliards de dollars en 2007. Le président chinois a même promis de la doubler d'ici 2010... " M. Fukuda a également déclaré que son pays allait établir un nouveau mécanisme financier avec 10 milliards de dollars pour aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz et les aider à faire face aux conséquences du changement climatique. Lors du dernier sommet, pendant l'été 2007 en Allemagne, le G8 avait décidé d'"avoir un dialogue avec les donateurs émergents", en précisant que " tout le monde doit oeuvrer vers le même but et maintenir les mêmes standards", a-t-elle également affirmé, les pays . industrialisés reprochant souvent à Pékin d'aider les pays pauvres sans exiger de contreparties en matière de respect des droits de l'homme, de bonne gouvernance et de réformes). Officiellement, Etats-Unis, Union européenne et Japon demandent aux pays bénéficiaires d'améliorer la situation des droits de l'homme et de lancer des réformes de structures. Cependant ces déclarations " généreuses " ne doivent pas voiler les rivalités sous tendant des visées de concurrence pour contrôler certains segments de l'économie africaine et notamment les matières premières. Cela explique que nous avons assisté à différents forums ces deux dernières années : Chine/Afrique, Inde/Afrique, Etats-Unis d'Amérique/Afrique et Europe/Afrique. En résumé, la flambée des prix des denrées alimentaires et du baril de pétrole, sont des facteurs de déstabilisation des économies qui touchent les pays les plus pauvres (révoltes en Afrique) et même les pays développés comme l'attestent les grèves interminables des transporteurs notamment routiers (de personnes et de marchandises). Aussi, les défis futurs seront planétaires impliquant de nouveaux mécanismes de régulation à l'échelle mondiale face au déséquilibre entre l'offre limitée des anciennes ressources des ressources et l'expansion de la population mondiale. Un nouveau modèle de consommation énergétique s'impose à l'avenir pour garantir l'équilibre de notre écosystème. De nouveaux rapports sociaux et de nouveaux modèles socioculturels s'imposent qui entraîneront des ajustements douloureux. Faisons confiance au génie de l'homme et donc à la science. En ce qui concerne, l'Afrique, ce dont elle a besoin, ce n'est pas une assistance, qui constitue une dévalorisation morale, mais à la fois une redéfinition des relations internationales pour éviter cette dualité Nord/Sud. Mais également éviter d'incomber toute la responsabilité à l'extérieur, en valorisant une bonne gouvernance interne , plus de libertés et de démocratie , arrêter cette hémorragie des cerveaux dont la fuite vide notre continent de sa véritable substance, devenant un corps sans âme du fait de la dévalorisation du savoir, une visibilité dans la démarche de la réforme globale conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale tenant compte des nouveaux impératifs de la mondialisation.
AM 10 JUILLET 2008 (1) L'ensemble de ces points ont été développés dans le grand débat hebdomadaire à la Radio internationale algérienne : invités - pour l'Algérie (Abderrahmane Mebtoul) et des experts africains le 06 juillet 2008 18h30-19h - " le G8 et la problématique du développement de l'Afrique " (2)-sur la détermination des prix pétroliers au niveau Algérie interview du docteur Abderrahmane Mebtoul à Radio France Internationale ( RFI) le 9 juillet 2008.