Fadhma Ath Mansour Amrouche : Très peu d'algériens connaissent cette femme qui a tant souffert d'abord d'être femme, ensuite d'être chrétienne dans une Kabylie non seulement colonisée mais exploitatrice du sexe faible.Elle était l'exilée dans ses propres chairs, dans sa propre glaise où poussaient les oliviers centenaires dont on récoltait les fruits, en guenille, pendants les hivers longs et sifflants. Il y a quarante et un ans, disparaissait la première écrivaine algérienne d'expression française, Fadhma Ath Mansour Amrouche. Histoire de ma vie son unique roman autobiographique était sortie en 1946 chez Maspero avant d'être rééditée une année après sa mort chez le même éditeur. Un ouvrage aussi déchirant qu'authentique parce qu'il parle avec justesse d'un environnement –la Kabylie-, d'une terre aride ne laissant aucun répit aux femmes bêcheuses de leurs mains blessées. Fadhma Ath Mansour Amrouche peut être comparée aux dignitaires de ce monde parce qu'elle a enfanté une lignée d'hommes et de femmes qui ont marqué la littérature algérienne du début du 20ème siècle, à un moment où il était très rare, sinon impossible surtout à une femme et de surcroît rurale, d'accéder au savoir. Cette lignée se confond avec l'histoire de la tradition orale, des chants de plaintes contre les amertumes, les exils et la mort. Elle était née exilée à Tizi Hibel autour de l'année 1882, et morte exilée dans le pays de sa langue, la France en juillet 1967. Dans, Histoire de ma vie, la romancière conte ces amertumes vis-à-vis d'un destin qui a fait d'elle une bru malheureuse au milieu d'une belle-famille d'Ighil Ali en Basse Kabylie. Maltraitée, acculée parce que considérée comme renégate, trop libre et “ trop humaine” Fadhma sera exilée en terre tunisienne. Le déchirement de l'exil n'a pas eu raison d'elle. “ J'étais restée la Kabyle. Jamais, malgré les quarante ans passés en Tunisie…je n'ai pu me lier intimement ni avec les Français ni avec les Arabes. Je suis restée l'éternelle exilée, celle qui ne s'est jamais sentie chez elle nulle part ”, raconta-t-elle. En outre, la mère de l'illustre poète, Jean El Mouhoub Amrouche, et de l'écrivaine, MargueriteTaos Amrouche, a contribué à la sauvegarde d'anciens poèmes et proverbes kabyles, légués à ses deux enfants. “ Puisse l'Algérie libre ne plus prêter l'oreille aux diviseurs hypocrites qui voudraient faire de tout un tabou et de tout être un intouchable. Et qu'on ne vienne pas me dire Fadhma était une chrétienne ! Une vraie patrie se doit d'être jalouse de ses enfants, et d'abord de ceux qui, toujours exilés n'ont jamais cessé de vivre pour elle ”, notait Kateb Yacine, dans la préface d'Histoire de ma vie. Fadhma, une chrétienne. Ce n'est ni une conversion, ni une apostasie. “ Elle a grandi parmi les religieuses ” précisent les chercheurs qui ajoutent que “ cette grande dame porte, malgré une vie douloureuse, à une richesse inépuisable ”. Les seuls moments de bonheur, que l'auteur de Histoire de ma vie a croqués à pleines dents sont ceux passés en compagnie de sa mère Aini dans son village natal après la fermeture du Cours normal de Fort National. Les œuvres ne sont t-ils pas les enfants du chagrin ?