Les autorités américaines ont une fois de plus réussi à colmater les brèches en volant au secours des deux géants du refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, mais sans réussir à masquer la fragilité des marchés et de l'économie américaine. "Nous sommes désormais à une nouvelle étape dans cette crise financière qui semble ne pas vouloir finir", notait lundi l'éditorialiste du New York Times Paul Krugman, même si les inquiétudes sur les deux groupes de refinancement hypothécaires sont sans doute, selon lui, "exagérées". Les marchés, eux, ont réagi de façon moins sereine: les actions de Fannie Mae et Freddie Mac s'échangeaient autour de l'équilibre lundi en fin de matinée à la Bourse de New York, après une ouverture en forte hausse suivie d'un plongeon en territoire négatif. Même si les pertes enregistrées la semaine dernière sont loin d'être effacées, la menace d'implosion est au moins écartée. Les hésitations des marchés traduisent toutefois leur ambiguïté face au plan d'urgence annoncé ce week-end par les autorités. "Le niveau d'inquiétude remonte. Une fois que le Trésor s'engage à soutenir Freddie Mac et Fannie Mae, on ouvre la porte à un sauvetage qui pourrait coûter au contribuable américain une somme qui dépasse les 100 milliards de dollars", explique Gregori Volokkine, de Meeschaert Asset Market. Le plan d'aide publique comprend en effet plusieurs volets: le Trésor va augmenter temporairement la ligne de crédit qu'il consent aux deux groupes et achetera leurs actions, alors que la banque centrale (Fed) les laissera se refinancer à sa fenêtre d'escompte, conçue à la base pour les banques commerciales mais élargie récemment aux banques d'affaires. L'aide de la Fed pourra avoir un effet immédiat, tandis que la décision du Trésor doit encore recevoir l'aval du Congrès. Même si ce sauvetage fait grincer des dents parmi les partisans du laissez-faire, les parlementaires auront sans doute à coeur de préserver ces acteurs essentiels du marché hypothécaire. Fannie Mae et Freddie Mac détiennent ou garantissent 5.200 milliards de dollars de créances hypothécaires, soit plus de 40% de l'encours de crédit immobilier américain. Pour les analystes, ce sauvetage ne parviendra pas à masquer longtemps les multiples sources de fragilité de l'économie américaine. "Les bourses auront sans doute une réaction positive au départ, alors que les titres (Fannie et Freddie) étaient fortement survendus", affirme David Kotok du cabinet Cumberland Advisors. Mais "une fois que les actions auront rebondi, les marchés devront affronter les réalités économique de notre situation" mêlant crise de l'immobilier, énergie chère, incertitudes électorales, ralentissement économique et dollar faible, ajoute-t-il.L'affaire est d'abord un nouvel avatar de la crise de l'immobilier: après la quasi faillite de la banque d'affaires Bear Stearns en mars, les problèmes de Fannie Mae/Freddie Mac rappellent aux marchés que les plus puissants eux-mêmes ne sont pas à l'abri. Les investisseurs attendent à présent avec nervosité la prochaine vague de résultats trimestriels, et notamment ceux des banques. La crise Fannie/Freddie comporte aussi des risques économiques, alors que les Etats-Unis flirtent toujours avec la récession. "La clé pour juger le véritable impact économique" du plan de sauvetage sera de voir "si ces deux organisations peuvent continuer à servir le marché hypothécaire et faciliter la création de nouveaux prêts", affirment les analystes de Merrill Lynch dans une note. Les commentaires du président de la Fed Ben Bernanke, qui fait mardi son très attendu discours semi-annuel devant le Congrès, seront dans ce contexte particulièrement écoutés.