Par Hiba Sérine A.K. Une attaque terroriste sur une installation pétrolière pourrait avoir un impact majeur sur l'économie. Malgré des réserves stratégiques importantes, les Etats doivent diversifier leurs sources d'énergie. "Pour vaincre le terrorisme, abandonnez le pétrole." Aujourd'hui, le slogan sonne comme une incantation au moment où le prix du baril de pétrole atteint les 145 dollars. Face à un marché mondial de l'or noir extrêmement tendu en raison de capacités insuffisantes de production pour suivre la demande et de risques géopolitiques avérés, les terroristes pourraient profiter de cette crise énergétique pour frapper de plein fouet l'économie mondiale, hyperdépendante du pétrole et donc très vulnérable. Les seuls Etats-Unis consomment 20,7 millions de barils par jour dont 70% sont consacrés aux transports. Directeur de l'Institute for the Analysis of Global Security à Washington, Gal Luft rappelle "qu'en 1996, Oussama ben Laden prévoyait à terme un baril de pétrole à 144 dollars. Il a pour ainsi dire gagné son pari." La hausse pourrait ne pas s'arrêter là. Face à un marché à flux tendus, toute rupture d'exploitation de gisements pétroliers importants pourrait faire bondir le prix du baril à des niveaux jamais égalés (200-300 dollars). Les réserves stratégiques des Etats jouent un rôle dans le prix, mais ne suffisent pas à le stabiliser. Nombre d'installations stratégiques sont susceptibles d'être visées: les détroits (en particulier d'Ormuz et celui de Malacca décrit par le Bureau international maritime comme l'un des plus dangereux du monde), les raffineries, les terminaux de chargement et plus simplement les supertankers. Les pétroliers sont omniprésents sur les mers du monde. Près de la moitié du pétrole mondial est distribué par bateaux empruntant quelques routes maritimes. Des attaques-suicides à l'aide de hors-bord, comme celle perpétrée contre le pétrolier français Limburg en 2002 au large du Yémen, peuvent avoir un impact majeur sur le prix de l'or noir. Directeur du European Strategic Intelligence and Security Center à Bruxelles, Claude Moniquet relève “qu'un attentat terroriste contre le terminal saoudien d'Abqaïq, protégé pourtant par un périmètre de sécurité de 2 à 3 kilomètres, pourrait d'emblée réduire la production de 10 à 15%.” C'est en effet la plus grande installation du monde par laquelle passent les deux tiers de la production saoudienne. Le 24 février 2006, une double attaque a provoqué des dégâts, mais n'a pas eu d'impact majeur sur la production. Gal Luft pense que les installations pétrolières sont bien sécurisées, mais l'avènement des attentats-suicides peut changer la donne. "Quant aux détroits, ils sont aujourd'hui très étroitement contrôlés", précise-t-il. Parmi les scénarios du pire figure également une intervention militaire de l'Occident en Iran. Il y a quelques jours, le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), Abdallah Salem El-Badri, prévenait: "Nous sommes incapables de remplacer la production iranienne" qui s'élève à quelque 4 millions de barils par jour. Si les Iraniens bloquaient le détroit d'Ormuz ou s'attaquaient aux supertankers du golfe Persique, le prix de l'or noir s'envolerait. Pour Ali Laïdi, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques, la mouvance terroriste Al-Qaida avait déjà inscrit en 1996 sa volonté de combattre la présence occidentale sur les terres de l'islam qui regorgent de pétrole. "Mais les installations pétrolières n'étaient pas visées. La première cible était des hommes, les juifs et les croisés de l'Occident. Elle avait une résonance médiatique beaucoup plus importante. Les choses ont changé depuis les attentats du 11 septembre 2001. Al-Qaida n'avait plus rien à perdre et a ourdi plusieurs tentatives d'attentats contre des installations pétrolières." "Les terroristes pourraient vouloir faire exploser les prix pour mettre à mal l'Occident", ajoute Ali Laïdi. En automne 2007, Al-Qaida a menacé les installations pétrolières du Canada, principal exportateur vers les Etats-Unis. La cible est d'autant plus attrayante que les réserves canadiennes de pétrole sont passées de 5 milliards à 180 milliards de barils depuis 2000. D'autres exemples d'attaques (avortées ou non) terroristes ont défrayé la chronique, notamment à Khobar en Arabie saoudite. Du coup, les compagnies pétrolières ont réduit leurs capacités de production. Claude Moriquet relève toutefois que le pétrole n'est pas la seule cible potentielle. Le gaz peut aussi l'être. Les gazoducs sont vulnérables. Le gaz liquéfié (GNL) est une alternative qui est en train d'être développée. Mais elle pose aussi des questions sécuritaires, car le GNL est transporté exclusivement par bateau. "Faire sauter un méthanier amarré dans un port peut raser une ville", prévient Claude Moriquet.