Par Sérine Hiba A.K. «Nous achetons les actions chinoises qui nous semblent bon marché.» Pour Mark Mobius, en se confiant au journal Suisse Le Temps, spécialiste des marchés émergents chez Franklin Templeton, après le krach des marchés boursiers chinois, certaines sociétés cotées à Hongkong - le marché via lequel la plupart des étrangers investissent - sont valorisées de manière «très, très attrayante». Notamment, les pétrochimiques et les pétrolières Sinopec et Petrochina se négocient à environ 10 fois leurs bénéfices, alors que, dans le passé, elles valaient 20 fois leurs bénéfices ou plus. L'Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) se traite à 20 fois ses bénéfices, contre 35 fois au début de l'année. Idem pour China Mobile, sauf que le multiple dépassait les 40 en automne. Depuis septembre 2007, la chute des actions chinoises a été violente. La baisse a dépassé 40% pour les titres cotés à Hongkong et 50% pour ceux négociés à Shanghai et Shenzhen. Les investisseurs qui pariaient sur un soutien des cours de la part de l'Etat avant les Jeux olympiques en ont été pour leurs frais. «Le gouvernement était probablement plus préoccupé par la surchauffe de l'économie», expliquait le gérant du fonds Templeton Asian Growth au journal helvétique. Et, sur fond de baisse de régime de l'économie chinoise due au ralentissement mondial, la méfiance face aux actions du pays reste profonde. Cependant, d'autres pensent aussi qu'il est temps de revenir sur ce marché. Pour les stratèges de Goldman Sachs, les actions H cotées à Hongkong pourraient surprendre en bien si les Jeux olympiques (JO) de Pékin, qui se terminent dans une semaine, se déroulent sans encombre. Dans un rapport publié début août, ils écrivent que l'indice Hang Seng China Enterprises Index (HSCEI) pourrait sortir par le haut de la fourchette de 12000 à 14800 points dans laquelle ils le voient évoluer à court terme. Les analystes de Credit Suisse pensent également que les actions H sont en train de retrouver pied. Si le risque est bien réel de voir le ralentissement de la croissance et les prix des matières premières peser sur la rentabilité des entreprises chinoises, la consommation pourrait aussi se montrer étonnamment résistante. L'inflation semble marquer le pas et le ralentissement économique pourrait pousser la banque centrale à assouplir les restrictions sur l'octroi de crédits, ajoutent-ils dans une étude de juillet. Et une poursuite des révisions à la baisse des prévisions de bénéfices pourrait être suivie par un dynamique rebond l'an prochain. A l'inverse, certains craignent de voir après les JO un ralentissement économique plus prononcé que prévu. Mark Mobius leur répond que les cas précédents, comme la Corée du Sud en 1988, montrent qu'il n'y a pas de raison de craindre une baisse du marché. De plus, les ralentissements économiques sont anticipés par les investisseurs. «La chute des actions chinoises en est d'ailleurs une conséquence. Et au vu de son ampleur, il est très possible que le marché ait maintenant touché le fond.» Enfin, après quelques années de rapide croissance à près de 10%, un ralentissement n'est pas malvenu. Et même en cas de baisse au-delà de ce qui est prévu, par exemple 6%, elle resterait dynamique. Pour peu que la situation ne se dégrade pas, le marché pourrait connaître un début de rétablissement après les JO. Les autorités pourraient donner un coup de pouce en allégeant par exemple le droit de timbre. Mark Mobius estime que la Chine est le deuxième grand marché émergent le plus attrayant, après le Brésil, devant la Russie et l'Inde. Quant à l'investisseur Jim Rogers, il résume ainsi son optimisme: «Vendre la Chine en 2008, c'est comme vendre les Etats-Unis en 1908. Le pays est à l'aube d'une formidable phase de croissance.»
«Les exportations souffrent» Entretien réalisé par courriel Hiba Sérine A.K Stratège sur les marchés émergents chez Julius Bär ( Banque et cabinet de gestion des fortunes indépendants ), Stefan Hofer est prudent sur la Chine, en raison de révisions à la baisse des prévisions de bénéfices. Le Maghreb: Pensez-vous aussi que la valorisation des actions chinoises est maintenant intéressante? Stefan Hofer: Les actions chinoises, je parle des actions H cotées à Hongkong, ont chuté de 26% depuis janvier, contre 19% en moyenne pour les marchés émergents ou 18% pour les actions mondiales. Mais d'importantes questions restent ouvertes. D'abord, nous sommes dans un cycle de révision à la baisse des prévisions de résultats. Dans les marchés émergents, Amérique latine, Europe de l'Est et Asie, c'est cette dernière qui est la plus touchée. Le ralentissement économique aux Etats-Unis, au Japon et en Europe pèse sur les exportations et nous ne voyons pas de fin prochaine à ce phénomène. Ensuite, la valorisation des actions chinoises reste élevée: 14 fois les bénéfices estimés pour 2008, alors que le Brésil et la Russie se traitent à des multiples de 11 et 8. Les révisions de prévisions de bénéfices sont encore positives sur ces pays, même si ce n'est que légèrement pour le Brésil. En général, les investisseurs préfèrent des pays affichant une solide dynamique bénéficiaire. Une part de la sous-performance de la Chine s'explique par les ventes des investisseurs internationaux. Les statistiques signalent des sorties d'argent de portefeuilles de titres depuis avril 2007. Craignez-vous que la croissance chinoise ne fléchisse plus que prévu après les Jeux olympiques? Au premier semestre, l'attention du gouvernement et des officiels était concentrée sur l'inflation. Mais on observe actuellement un changement de langage et leur attention se déplace vers la croissance. Le gouvernement cherche à soutenir la consommation et les exportations, par exemple par des mesures fiscales. Le ralentissement de la croissance est marqué. Celle-ci était de 11 à 12% en 2006 et 2007 et devrait se replier à 10% cette année et 8% l'an prochain. L'indice chinois des directeurs d'achat a reculé en dessous de 50, ce qui indique une contraction de l'activité manufacturière. Cela confirme que la Chine est très dépendante de la demande extérieure. Les Jeux olympiques ne jouent qu'un rôle secondaire. Il y a un espoir dans le marché que le gouvernement prenne des mesures pour soutenir le cours des actions domestiques après l'événement. Mais nous n'avons pas d'opinion à ce sujet. Certains pensaient déjà que l'Etat empêcherait un krach avant les JO. Ils ont été déçus. C'est vrai. Mais notre prudence vient de la situation économique globale. Cependant, il faut aussi voir que la Chine est un des principaux pays émergents. Pour un portefeuille diversifié, il est difficile de passer à côté. Et il existe des compagnies valorisées de manière plus intéressante que le reste du marché. Par exemple, il y a China Telecom, China Mobile, China Life Insurance ou China Mengniu Dairy. Elles bénéficient de l'émergence d'une classe moyenne et de nouvelles habitudes d'achat. Les pétrolières Petrochina et Cnooc tirent profit de la hausse de la consommation et des prix de l'énergie. Ces sociétés s'inscrivent dans une tendance à long terme, ce qui est important pour nous. Qu'en est-il du développement des infrastructures? C'est un thème très important, mais la croissance des investissements en actifs corporels ralentit. Il y a des inquiétudes sur des surcapacités, ou même des mini-bulles dans certains segments, comme l'immobilier.