Par Faouzia Belkichi Les hausses vertigineuses des prix de la nourriture et du carburant, la crise environnementale causée en grande partie par les activités humaines, l'endettement et l'essoufflement des États-Unis sont tous des indices d'une réalité que nous ne pouvons plus éviter. Le standard de vie et le niveau de consommation que nous voulons atteindre en Algérie ne sont désormais qu'un rêve inaccessible. Même avec un pétrole cher et un matelas financier se chiffrant à des dizaines de milliards de dollars, l'Algérien subit de plein fouet la crise qui secoue le monde et son économie. Peut-être qu'en haussant les impôts et en mettant fin à la guerre en Irak, les États-Unis pourront-ils éviter une dégringolade subite. Mais, à long terme, l'économie basée sur le principe de croissance frénétique est condamnée. Il est vrai que ce niveau de vie si vanté n'était pas une panacée pour tous. Depuis 30 ans, seuls les très riches ont amélioré leur position. De plus, la quête effrénée des biens matériels a asséné un coup dur à notre culture et à notre système d'éducation. Avec tant d'effets indésirables, on peut se demander si cette quête de la soi-disant prospérité vaut la peine. Le ralentissement inéluctable qui nous attend ne sera donc pas nécessairement douloureux. Le pétrole est là, nous dit-on. Mais le meilleur remède est l'automédication. En restreignant la consommation matérielle, nous pourrons corriger beaucoup de ses dégâts. Pour ce faire, nous devrons dès aujourd'hui abandonner la foi naïve dans les marchés, la concurrence et la globalisation qui sont en vogue depuis 1980. Si l'amaigrissement se fait selon les recettes économiques de l'épargne, comme l'entendent nos décideurs, les riches garderont leurs bénéfices et encore une fois, la réforme se fera sur le dos des pauvres. Désespérés de voir disparaître le peu qu'ils ont, les perdants vont se retourner contre les minorités et contre d'autres nations. L'histoire tragique des années 1930 se répétera avec la répression, l'intolérance et la violence. Il existe heureusement une autre façon d'effectuer le changement. Au lieu de protéger le pouvoir d'achat des classes privilégiées, nous pouvons mettre tous nos efforts dans la sauvegarde des services publics - l'assurance maladie, l'éducation accessible, les pensions et la protection sociale. Il faut créer un système de transport en commun si efficace que l'automobile perdra beaucoup de son attrait. Il faut investir dans les biens publics et dans la culture. La culture est particulièrement importante. Cette époque du crétinisme est marquée par le déclin de la culture littéraire, musicale et artistique. Quand le nombre de jouets et objets matériels qui l'avaient remplacée va chuter, la culture pourra reprendre sa place et permettre aux citoyens de s'épanouir et de s'améliorer. De plus, l'idéalisme politique que le dilettantisme avait anéanti pourra retourner en force, particulièrement sur les questions d'environnement et d'égalité. Ces buts ne seront pas faciles à atteindre. Si on arrête la globalisation fulgurante, il faudra trouver d'autres modèles pour permettre aux pays pauvres, surtout l'Afrique, de sortir de l'ombre. L'autosuffisance partielle en alimentation et l'investissement par l'État dans l'éducation et la santé feront sûrement partie de la solution. La transformation prochaine paraît donc excitante et salutaire. Pour l'effectuer, il est temps de larguer la croissance comme idéal politique et la remplacer par la justice sociale, la solidarité et la liberté.