Par Faouzia Belkichi Ce n'est pas de la magie. Ce n'est pas davantage de l'illusion. La croissance économique ne s'est pas évaporée. Elle est toujours là. Mieux encore, elle a été bien plus forte que prévu en Algérie au cours des trois premiers mois de l'année. Les économistes les plus audacieux avaient anticipé un recul. En dépit des commentaires les plus sombres qui ont été émis ici ou là. Et merci à un prix du baril qui n'a pas cessé de grimper depuis le début de l'année. En dépit surtout d'un système financier devenu très frileux après la crise mondiale. A peine la nomination d'Ahmed Ouyahia rendue publique, que chacun y est allé de son commentaire. Comme qui disait : "Je ne sais pas qui a gagné la bataille. Mais je sais qui l'a perdue." C'est vrai que le gouvernement drivé par Belkhadem et si mal nommé, puisqu'il a prêché dans le désert et que tout le monde à commencer par le Président ont jugé l'avancement des programmes pas consistants et les résultats en demi-teinte. Le pétrole, dans l'économie, a servi d'amortisseur de crise au moment précis où il le fallait. C'est vrai que la croissance mondiale ralentie a eu un effet induit sur notre économie. Mais personne n'a profité de ces bons chiffres pour rendre meilleure la vie des Algériens. Pour relancer l'économie algérienne, l'emploi et la consommation, Ouyahia sera un homme seul, vraiment seul, installé dans sa tour de verre. A Alger, dans les cercles d'analyse, on ne cesse pas de vilipender depuis trois jours seulement, pour ce que les politiques appellent la "rigidité" de Belkhadem et que les économistes nomment "ses convictions". Depuis ce mois de juin, contre vents et marées, surtout contre l'esprit moutonnier de la classe politique, elle-même pressée par l'opinion publique, le Chef du gouvernement aura à rattraper des retards considérables, à rétablir la confiance avec les citoyens, à combattre l'inflation et surtout à augmenter le pouvoir d'achat des Algériens mis à mal par une année catastrophique. Au-delà de tout cela, Ahmed Ouyahia, connu pour ses talents de gestionnaire doublé d'un bon négociateur, aura à préparer deux grands rendez-vous : la révision de la Constitution et les élections présidentielles de 2009. Or, que se passe-t-il aujourd'hui ? D'une part la croissance algérienne reste structurellement solide. Ni L'Etat, ni les entreprises n'ont eu à souffrir de cette politique monétaire rigoureuse. Et il faudrait être de mauvaise foi pour dire que si les industriels n'investissent pas en Algérie, c'est à cause de sa politique économique ou de la crise. Les voyants sont au vert pour Ahmed Ouyahia, reste à remodeler le profil de la gestion des programmes. D'autre part, l'inflation n'est plus un mythe, c'est aujourd'hui une réalité. Une réalité heureusement moins forte en Algérie qu'ailleurs, car le pétrole fort a permis de faire rempart à une partie de la hausse des prix constatée dans le monde sur les matières premières, qu'elles soient minérales ou agricoles. Chaque jour qui passe fournit hélas l'occasion de mesurer la force du débat sur le grignotage du pouvoir d'achat et sur la hausse des prix à la consommation. D'ailleurs, il ne faut pas se faire d'illusion, Ahmed Ouyahia ne terrassera pas la hausse des prix de sitôt. Il y aura sans doute en Algérie dans les mois qui viennent une inflation dite "de second tour". Mais si la Banque centrale parvient une fois encore à la maintenir sous contrôle, ce ne sera pas un mal en soi, dans la mesure où l'inflation reste l'un des moyens de transmettre de la richesse des plus anciens (ceux qui ont alimenté le déficit public) vers les plus jeunes (ceux qui devront le rembourser). Et que seul dans sa tour de verre, pour qu'on lui reconnaisse le mérite d'avoir résisté aux pressions des politiques comme aux sirènes de la facilité, Ahmed Ouyahia aura à résister et à séduire une population en mal de confiance.