Nombreux sont les habitants de la ville de Khenchela qui, en été, se reconvertissent en clients fidèles des restaurants spécialisés dans les plats traditionnels. Presque tous les mets traditionnels prisés dans la région des Aurès sont proposés par de jeunes restaurateurs qui, au regard de la demande dont ils font l'objet, semblent faire de bien bonnes affaires, ce qui explique d'ailleurs leur prolifération dans toute la ville. Pour donner une impulsion aux affaires pendant la saison chaude, ces chefs ne manquent jamais d'ajuster leur menu en fonction à la fois de la demande et des exigences du climat. Ils proposent ainsi moins de Chekhchoukha et autre Berkoukes, à l'évidence très lourds à digérer en cette période de canicule, mais beaucoup plus de mets légers dont l'incontournable couscous au petit lait et les divers types de galette (khobz eddar, matlou' et rekhssiss), en plus des pâtisseries de circonstance comme le r'fiss, le zirawi, le mesfouf, lebraj et autre merchouch.La majorité de ces mets se consomment immanquablement avec du petit lait ou lait fermenté, avec les beurres et les fromages de ferme, dont le célèbre Bouheza, ou bien avec du miel. Certains les consomment sur place, chez le restaurateur, alors que d'autres préfèrent les emporter à domicile. Aussi, plusieurs de ces restaurants aménagent-ils des pavillons spéciaux pour les familles par respect des exigences sociales de discrétion et de "horma", des valeurs bien réelles et toujours vivaces dans cette région comme d'ailleurs dans bien d'autres. Pour plus d'authenticité et pour la beauté du cadre, ces restaurants utilisent aussi des services de table traditionnels avec notamment des assiettes et plats en terre cuite ou en bois. Parmi leurs clients figurent aussi les personnels travaillant à Khenchela loin de leurs lieux de résidence initiaux mais aussi les gens de passage, les voyageurs y faisant des haltes et les fins gourmets appréciant, dans l'ensemble, ce qui reste de l'art culinaire ancestral de la région. Les cuisines sont, ici, systématiquement tenues par des femmes payées à la journée ou au mois. Est-ce un gage d'hygiène et de propreté? Peut-être. En tout état de cause, ce type de gargotes se pose déjà en véritable rival pour les restaurants modernes et autres pizzerias et fast-food. Immatriculés au registre de commerce et exerçant donc en toute légalité, ils sont, en tout cas, régulièrement contrôlés par les agents de la wilaya en charge de cette mission de salubrité publique. Leurs tarifs sont en outre très compétitifs comparés aux autres restaurants mais ce n'est visiblement pas là la motivation de leurs clients les plus assidus. C'est surtout la nostalgie des saveurs anciennes qui expliquerait la croissance de leur nombre et la fréquence de leur fréquentation. Dans les campagnes par contre, ces plats n'ont jamais vraiment fait défaut et demeurent à ce jour les plus prisés, dès lors qu'il est admis que ce genre de nourriture réputée saine fournit aux campagnards toute l'énergie journalière nécessaire au travail de la terre et à l'entretien des fermes. Les plats des ancêtres étaient et sont également présents à l'occasion des grandes actions de volontariat communautaires, dites "touiza", pour moissonner un champ, creuser un puits ou un "matmor" (réserve de céréales) ou encore construire un logis, fût-il de fortune. En guise de plat de résistance, un jeune bouc est parfois immolé pour la circonstance et sa bonne chair utilisée pour la préparation d'un couscous collectif à ne surtout pas rater...