Le Nigeria a transféré jeudi au Cameroun la péninsule de Bakassi, un chapelet d'îlots du golfe de Guinée aux eaux riches en pétrole que les deux voisins d'Afrique de l'Ouest se disputaient depuis des décennies.Selon un envoyé spécial de Reuters, les délégués nigérians ont paraphé un document en ce sens lors d'une cérémonie officielle qui devait avoir lieu à Abana, principale ville de la péninsule, mais qui a été déplacée à Calabar, à près de 200 km de là, pour des raisons de sécurité. "Nous nous devons de mener à bien la tâche douloureuse mais importante d'appliquer l'arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) en remettant le contrôle de la péninsule de Bakassi au Cameroun", a déclaré le ministre nigérian de la Justice, Michael Aondoakaa, lors de la cérémonie de signature. "Ce transfert va se traduire par un approfondissement des relations entre le Nigeria et le Cameroun", a pour sa part commenté un membre de la délégation des Nations unies présent à la cérémonie. Cette décision est conforme à l'arrêt rendu en 2002 par la Cour internationale de justice (CIJ) donnant raison aux arguments de Yaoundé et ordonnant à l'armée nigériane de se retirer de la péninsule d'ici le 14 août 2008. Une série d'initiatives visant à geler le transfert de Bakassi, peuplée à 90% de pêcheurs nigérians, au Cameroun, avaient été lancées ces derniers mois et des militaires camerounais ont été la cible d'attaques en juillet. Ce litige territorial avait failli faire basculer ces deux importants pays producteurs de pétrole du continent dans un conflit armé à plusieurs occasions, la plus récente en 1996. Face aux menaces d'attaques lancées par un groupe armé nigérian opposé à ce transfert, les cérémonies officielles ont été revues à la baisse. Le président nigérian Umaru Yar'Adua voit cependant dans l'événement une moyen de souligner que son pays se plie au droit international. "Ce processus de transfert, aussi douloureux soit-il pour tout le monde y compris le chef de l'Etat, est un engagement que nous avons pris devant la communauté internationale et il est de notre devoir de le tenir", a-t-il déclaré à des journalistes au début de la semaine. On estime que 200.000 à 300.000 personnes - un chiffre jugé exagéré par les Nations unies - vivraient dans cette péninsule de 3.000 m2. Les autorités nigérianes ont proposé de les reloger. L'arrêt de 2002 de la CIJ s'était en grande partie appuyé sur un traité signé en 1913 par les deux anciennes puissances coloniales de la région, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Pour les analystes, le Cameroun devra résoudre le problème de l'insécurité ambiante qui s'aggrave dans la péninsule avant de pouvoir exploiter les réserves de pétrole offshore. Des sources proches de la sécurité affirment en effet que plusieurs bandes armées isolées opèrent dans le secteur pour des motifs divers - recherche de l'indépendance, argent et autres causes. Le Cameroun, dont la production d'or noir décline à environ 90.000 barils par jour, et le Nigeria ont convenu d'oeuvrer de concert dans l'exploration des ressources pétrolières de la péninsule de Bakassi.