Par Hiba Sérine A.K. La fin du premier semestre 2008 sur fond de crise a alimenté les pires spéculations quant au rebondissement tant attendu de l'économie mondiale. Mais les résultats affichés ce week end par les différentes banques centrales Occidentales a donné raison aux plus pessimistes. Résultat : Les conditions sont difficiles dans le négoce, les marchés des capitaux, et le crédit. Le secteur bancaire, aux Etats-Unis comme en Europe, est loin d'avoir retrouvé son fonctionnement d'avant-crise. L'activité des marchés est en forte contraction. L'industrie de la banque d'investissement a globalement supprimé plus de 100000 emplois en quelques mois, soit autant que le secteur automobile américain (GM, Ford et Chrysler) en plusieurs années. La crise se concentre largement sur New York et Londres. "Les conditions se sont nettement détériorées depuis juillet", écrit Guy Moskovski, analyste de Merrill Lynch et repris par le journal de Wall Street. Capacité de prêt restreinte Les quelque 500 milliards de dollars amortis par les banques sur le marché des crédits à risque ("subprime") continuent de peser sur leurs bilans et de restreindre à la fois leur capacité à se financer mutuellement et à prêter de l'argent à leurs clients. Selon un sondage de la Réserve fédérale, les banques ont encore durci leurs conditions de crédit au 3e trimestre, en particulier pour les hypothèques résidentielles et les prêts à la consommation, mais aussi, ce qui est plus inquiétant, aux grandes et moyennes entreprises et au secteur industriel. Marchés des capitaux à sec L'excès d'endettement des acteurs financiers continue de se purger. La marée noire des mauvais crédits doit encore refluer. Sous la pression des investisseurs, Citigroup, Merrill Lynch, UBS, Morgan Stanley, Lehman Brothers débarrassent péniblement leurs bilans de l'excès de levier. En d'autres termes, elles doivent réduire, autant que le marché le leur permet, la grande quantité d'actifs risqués qu'elles avaient acquis à l'aide de fonds empruntés. Aux pertes du marché "subprime" s'ajoutent celles des autres activités de banque d'affaires. En effet, les transactions des entreprises sur les marchés des capitaux se sont asséchées au 3e trimestre. Le mois de juillet a été particulièrement difficile pour les émissions de titres, les fusions et acquisitions, les entrées en bourse, mais aussi pour le négoce. Le mois d'août se révèle léthargique, notent les courtiers. Mauvais parisdes traders Les revenus du négoce, en particulier, souffrent de volumes plus faibles cet été que les précédents. Sur les bourses américaines, Lehman Brothers indique que le volume moyen de négoce atteignait 8,6 milliards d'actions par jour dans la semaine du 4 au 8 août, soit 14% de moins que sur la même période en 2007. Malgré le rebond observé depuis le 15 juillet, les acteurs des marchés restent, à l'heure actuelle, principalement des traders professionnels. Les investisseurs privés et une bonne partie des institutionnels restent en retrait des turbulences du marché. Même les hedge funds et les traders internes des banques, qui sont en général les négociants les plus actifs, ont dû réduire leur risque et par conséquent leurs transactions. Ils se sont en effet brûlé les ailes lors de la récente correction des prix des matières premières, la plus forte depuis les années 1970, alors qu'ils étaient positionnés à l'achat, notamment sur le pétrole. De même, les paris baissiers sur le dollar ont été déjoués par le brusque retournement du billet vert. "Lors des années électorales américaines, le dollar réserve très souvent des mouvements violents, qui peuvent intervenir trois mois avant les élections", relève un trader. Ce qui n'est pas fait pour déplaire à l'économie algérienne. Elle, qui calcule ses recettes en dollars américains. Ces tendances vont clairement affecter les desks obligataires, de taux, et de changes des banques au 3e trimestre. Les revenus des desks actions et de "prime brokerage" (services à la clientèle hedge funds des banques) baisseront aussi. Ce n'est pas tout, car les transactions de fusions et acquisitions ont reculé de 30% sur un an en juillet aux Etats-Unis, et les émissions de titres se sont contractées de 35%, sans se reprendre en août. Enfin, la demande de crédit à la consommation ralentit nettement, ce qui ajoutera aux mauvais résultats attendus de Citigroup. Ces marchés difficiles, note l'analyste d'UBS Glenn Schorr cité par le journal économique français La Tribune, vont affecter les résultats de toutes les banques, même celles réputées plus saines comme Goldman Sachs et JP Morgan. Après Citigroup et Wachovia, Merrill Lynch pourrait annoncer à son tour une réduction par deux de son dividende, la première depuis son entrée en bourse en 1971, accentuant la chute des valeurs financières en bourse. Le secteur bancaire détient la palme des plus mauvaises projections d'analystes. Pertes sur le "Trichet trade" En Europe, UBS, Credit Suisse, Deutsche Bank, BNP Paribas, Credit Agricole et Natixis devront effectuer de nouveaux amortissements au 3e trimestre, quoiqu'inférieurs aux périodes précédentes. Là aussi, des pertes de négoce viendront s'y ajouter. Au 2e trimestre, certaines banques, positionnées pour leur compte propre sur une pentification* (Lire SOS Jargon) de la courbe des taux en euros, ont été prises de court. Suite au discours de Jean-Claude Trichet en juin, la courbe des taux s'est inversée: les rendements à deux ans sont passés au-dessus de ceux à dix ans. Ce "Trichet trade" a fait des perdants, dont Credit Suisse, Credit Agricole et Natixis. Et des gagnants: Deutsche Bank et des hedge funds, qui avaient joué l'inversion de la courbe. Pour le reste de l'année, les banques européennes verront, elles aussi, de faibles volumes sur les marchés des capitaux, tant dans le domaine du négoce que dans les émissions de titres. Le volume des commissions récoltées sur le continent est en chute de 27% cette année, selon Credit Suisse.
Le marché interbancaire toujours sclérosé Une année après que les banques centrales ont commencé à injecter des tonnes de liquidités dans le système financier, la confiance des banques à se prêter mutuellement de l'argent n'est pas revenue. La baisse de 325 points de base du taux directeur de la Fed n'y fait rien non plus: les banques n'acceptent de se prêter de l'argent qu'à des taux nettement plus élevés qu'avant la crise. Ainsi, l'écart entre le taux directeur de la Fed (2%) et le taux Libor à trois mois (2,8) auquel se prêtent les banques atteint 0,8%, alors qu'il n'était que de 0,1% fin juillet 2007, juste avant la crise. La prime par rapport au taux de la Fed qu'exigent les banques pour se financer l'une l'autre n'a jamais été aussi élevée depuis novembre 1999. Le marché monétaire reste aussi congestionné si on le compare au taux à trois mois auquel se finance le Trésor américain. Le 20 août 2007, le Libor à trois mois avait grimpé à 2,4 points de pourcentage au-dessus des bons du Trésor à 3 mois, l'écart le plus important depuis décembre 1987. Bien que cet écart, appelé "TED spread", soit retombé depuis vers 1%, il dépasse largement les 0,5% qu'il atteignait en moyenne au cours des cinq années précédentes. En Grande-Bretagne, les montants prêtés entre banques britanniques ont chuté de 70% de février 2007 à juin 2008. Et les banques de la zone euro, assoiffées de liquidités, ont postulé pour 100 milliards de dollars de prêts de la BCE, fin juillet, alors qu'elle leur en proposait 25 milliards. Aux Etats-Unis, les facilités de crédit en direct accordées par la Fed aux banques seront prolongées jusqu'au 30 janvier 2009. Ces mesures, qui auraient dû être temporaires, semblent de plus en plus permanentes. S.O.S. Jargon Pentification Sur le marché obligataire, on parle de pentification de la courbe des taux lorsque les taux longs (des obligations d'Etat à 10 ans, typiquement) deviennent plus élevés que les taux courts (obligations à 2 ans, influencées par les taux directeurs des banques centrales), dessinant une pente ascendante. La courbe peut se pentifier si les taux courts baissent, ou si les taux longs montent, ou alors sous l'effet cumulé des deux mouvements. On distingue la pentification de l'aplatissement de la courbe, qui se produit lorsque l'écart de rendement se réduit entre les taux courts et les taux longs. L'inversion de la courbe des taux, quant à elle, se produit lorsque les taux courts deviennent supérieurs aux taux longs.