Chellalet-El-Adhaoura, une région montagneuse semi aride située à 100 km à l'est de Médéa, est réputée pour ses commerçants ambulants, appelés communément "Ed-Dellala", infatigables vendeurs à la criée qui sillonnent villes et villages, à longueur d'année, pour gagner leur vie. Très ancienne, cette pratique commerciale est devenue, au fil des ans, un mode de vie que partagent désormais de nombreux pères de familles ou de jeunes chômeurs, issus en majorité des zones rurales, plus précisément des localités de Cheniguel, Tafraout, Ain-Ouksir ou encore la commune mère Chellalet-El-Adhaoura (Ex-Maginot). En l'absence d'opportunités de travail au niveau local, jeunes et moins jeunes sont contraints d'exercer ce métier à la fois éprouvant et peu lucratif. "Ed-Dellala" est un genre de commerce de proximité, pour ainsi dire hiérarchisé et codifié. Dans la plupart des cas, il est contrôlé par de riches commerçants qui "louent" les services de revendeurs qu'ils chargent d'écouler de grosses quantités de marchandises acquises auprès de grossistes établis dans les grandes villes environnantes (Bouira, M'sila, Alger, Blida) et parfois même auprès d'importateurs aux frontières est et ouest du pays. Reconnaissables à leurs vieilles fourgonnettes, peintes généralement en bleu ou en gris, ces marchands ambulants se révèlent être de redoutables commerçants, rompus aux techniques les plus pointues de la profession. Opérant par groupes de trois à quatre personnes, Ed-Dellala ont pour habitude de s'installer dans telle ou telle ville pour une durée pouvant aller jusqu'à un mois sinon plus, si les affaires marchent bien. Au cours de ces longs séjours, effectués plusieurs fois par an et dans diverses régions du pays, les frais de restauration et d'hébergement sont à la charge de l'employeur. Miloud, un quinquagénaire qui a passé une trentaine d'années à exercer ce métier et qui a fini par monter sa propre affaire, résume à lui seul toute l'histoire de ces marchands nomades qui continuent de sillonner inlassablement les villes et villages d'Algérie, en quête d'un gagne-pain décidément difficile à obtenir mais souvent bien mérité. Ce quinquagénaire raconte, non sans une touche de nostalgie, ses périples et péripéties à l'intérieur du pays, en compagnie de ses trois frères, tous employés par le même gros commerçant, ainsi que les laborieuses journées qu'ils passaient à faire du porte-à-porte pour pouvoir vendre un produit. Il se rappelle les nombreuses fois où ils sont revenus bredouilles essuyant stoïquement les réprimandes de l'employeur, les comportements agressifs de certains clients ainsi que les conditions de travail et de vie "déplorables" qu'ils ont dû endurer et accepter. C'était le prix à payer pour vivre, dégager quelques économies et pouvoir, éventuellement, travailler un jour à son propre compte. Miloud a fait ses premiers pas dans cette activité dans les années 1970, une époque où la dinanderie était particulièrement en vogue. Acheminée des ateliers de fabrication de Constantine, la marchandise atterrit à Chellalet-El-Adhaoura pour être écoulée dans plusieurs villes du centre. Vint ensuite, poursuit Miloud, un autre genre de commerce, celui de la tapisserie industrielle qui a connu ses heures de gloire avant de décliner brutalement au début des années 1990 en raison surtout de la détérioration de la situation sécuritaire. Et il a fallu attendre la fin de la décennie du terrorisme pour assister à une reprise graduelle de ce type d'activités commerciales. Aujourd'hui, des vendeurs, de plus en plus jeunes, quadrillent les cités et les quartiers des grandes agglomérations urbaines, usant des mêmes techniques et des mêmes arguments qui ont fait le succès de leurs prédécesseurs, proposant toutes sortes d'articles de ménage "bas de gamme" et donc bon marché, au grand bonheur des maîtresses de maison, qui forment, du reste, l'essentiel de la clientèle de cette catégorie de marchands.