La prudence prévalait vendredi au lendemain de la conclusion d'un accord de gouvernement d'union au Zimbabwe entre le président Robert Mugabe, qui exerce un pouvoir sans partage depuis 1980, et son ennemi politique Morgan Tsvangirai. Après des semaines d'âpres négociations que l'intransigeance des protagonistes a souvent conduites au bord de l'échec, le président sud-africain Thabo Mbeki, médiateur de l'Afrique australe dans la crise, a pu annoncer jeudi soir "un accord sur tous les points de discussions". Mais il n'a rien révélé de la forme de partage du pouvoir au sein de l'exécutif, clé de la crédibilité de l'accord, dont dépendra l'aide internationale massive désespérément attendue par le pays englué dans un marasme économique sans fond. Les détails n'en seront annoncés que lundi lors d'une cérémonie officielle de signature. Eldred Masunungure, chercheur à l'université du Zimbabwe, résumait ainsi le sentiment général: "c'est clairement un développement positif, qui peut potentiellement sortir le Zimbabwe d'une crise endémique". La conclusion d'un accord en soi "brise le cercle vicieux mais je préfère éviter toute célébration prématurée. Nous avons affaire à des intérêts et des hostilités profondément enracinées", a souligné l'analyste. L'Union européenne a fait part de la même prudence, saluant "ce pas important" mais attendait d'en savoir plus sur son contenu pour réexaminer éventuellement ses sanctions.Selon le commissaire européen au Développement Louis Michel, le leader de l'opposition lui a dit être "satisfait" de l'accord. La Grande-Bretagne a réagi prudemment, le secrétaire au Foreign Office David Miliband affirmant dans un communiqué que "le peuple zimbabwéen mérite un accord démocratique durable qui apporte les réformes, la reprise économique et la stabilité". Le Premier ministre kényan Raila Odinga s'est, pour sa part, félicité de cette annonce. Dans les années qui ont suivi l'indépendance en 1980, l'Union nationale africaine du Zimbabwe (Zanu) de M. Mugabe s'était alliée avec l'autre mouvement de lutte contre la suprématie blanche dirigé par Joshua Nkomo pour former la Zanu-PF. M. Nkomo avait été intégré au gouvernement mais la manoeuvre n'avait fait que précéder une violente vague de répression dans le sud Ndebele faisant des dizaines de milliers de morts. La Zanu, sous couvert de Zanu-PF (pour Front patriotique), avait assis son emprise sur le pouvoir, qu'elle a conservé depuis les violences des années 1980 jusqu'à la répression qui s'est abattue ces derniers mois sur les opposants. Amnesty International a estimé vendredi que l'accord ne doit pas empêcher les responsables des violations des droits de l'Homme d'être traduits en justice. Selon des sources concordantes proches des négociations, l'accord répartit sur le papier les compétences de façon équilibrées, afin de refléter la victoire du MDC aux élections législatives du 29 mars. Le président Robert Mugabe, 84 ans dont 28 au pouvoir, conserve certaines des prérogatives du chef de l'Etat, minorées par la création d'un poste de Premier ministre, dévolu à M. Tsvangirai. Les deux hommes partagent la nomination des 31 ministres (15 au MDC, 13 à la Zanu-PF, trois à la faction dissidente de l'opposition dirigée par Arthur Mutambara) et la définition des politiques. Le chef de l'Etat continue de diriger le gouvernement mais le Premier ministre contrôle la mise en oeuvre des décisions par le biais d'un conseil des ministres sous sa responsabilité. Enfin, M. Tsvangirai prend le contrôle des organes de sécurité, à savoir l'armée et la police, piliers du régime Mugabe. La Constitution sera amendée pour la 19e fois et une nouvelle sera promulguée d'ici 18 mois. Les leaders du pouvoir et de l'opposition vont poursuivre leurs réunions d'ici à lundi afin de concrétiser l'entente, en particulier dans la composition du gouvernement.