Toutefois les observateurs de la scène politique zimbabwéenne ont accueilli avec prudence cet accord de formation d'un gouvernement d'union. La prudence prévalait hier au lendemain de la conclusion d'un accord de gouvernement d'union au Zimbabwe entre le président Robert Mugabe, qui exerce un pouvoir sans partage depuis 1980, et son ennemi politique Morgan Tsvangirai. Après des semaines d'âpres négociations que l'intransigeance des protagonistes a souvent conduites au bord de l'échec, le président sud-africain Thabo Mbeki, médiateur de l'Afrique australe dans la crise, a pu annoncer jeudi soir «un accord sur tous les points de discussions». Mais il n'a rien révélé de la forme de partage du pouvoir au sein de l'Exécutif, clé de la crédibilité de l'accord, dont dépendra l'aide internationale massive désespérément attendue par le pays englué dans un marasme économique sans fond. Les détails n'en seront annoncés que lundi, lors d'une cérémonie officielle de signature à laquelle doivent assister nombre de dirigeants africains, a indiqué M.Mbeki. Eldred Masunungure, chercheur en sciences politiques de l'université du Zimbabwe, résumait ainsi le sentiment général: «C'est clairement un développement positif, qui peut potentiellement sortir le Zimbabwe d'une crise endémique», a-t-il déclaré. La conclusion d'un accord en soi «brise le cercle vicieux mais je préfère éviter toute célébration prématurée. Nous avons affaire à des intérêts et des hostilités profondément enracinées», a souligné l'analyste. «C'est le résultat de deux mois d'un minutieux travail et je dois dire que je suis heureux. Cependant, le vrai travail vient juste de commencer», a déclaré de son côté le principal négociateur de la Zanu-PF, Patrick Chinamasa, au quotidien d'Etat The Herald. Dans les années qui ont suivi l'indépendance en 1980, l'Union nationale africaine du Zimbabwe (Zanu) de M.Mugabe s'était alliée avec l'autre mouvement de lutte contre la suprématie blanche dirigé par Joshua Nkomo, l'Union africaine des peuples du Zimbabwe (Zapu), pour former la Zanu-PF. M.Nkomo avait été intégré au gouvernement mais la manoeuvre n'avait fait que précéder une violente vague de répression dans le sud Ndebele, où il était principalement implanté, faisant des dizaines de milliers de morts parmi ses partisans et la population Ndebele. La Zanu, sous couvert de Zanu-PF (pour Front patriotique), avait assis son emprise sur le pouvoir, qu'elle a conservé depuis. Le quotidien sud-africain The Times ne cachait pas son scepticisme: le leader du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) Morgan «Tsvangirai doit avoir concédé quelque chose» pour que le président Mugabe accepte un accord. Selon The Star, M.Mugabe prendrait les fonctions de chef de l'Etat et M.Tsvangirai celles de Premier ministre, chacun avec deux adjoints. Sur les 31 portefeuilles, 15 seraient attribués au MDC, qui a renversé la majorité au Parlement aux législatives du 29 mars, 13 à la Zanu-PF et trois à la faction dissidente de l'opposition dirigée par Arthur Mutambara. Citant des sources officielles, le quotidien estime que la situation s'est débloquée grâce à un accord sur un double contrôle de l'Exécutif. «Mugabe présidera toujours le gouvernement tandis que Tsvangirai deviendra le président d'un nouveau Conseil des ministres dont Mugabe sera exclu. Cet arrangement a été proposé par Mbeki pour sortir de l'impasse sur le contrôle du gouvernement», affirme le Star. Ce Conseil de ministres sous l'autorité de M.Tsvangirai «aidera à élaborer les politiques et supervisera leur mise en oeuvre», précise-t-il.