Voilà cinquante ans, le 16 septembre 1958, le jeune lieutenant Bouamama, de son vrai nom Mohamed Bouabdallah, est tombé au champ d'honneur à l'âge de 25 ans. Mohamed naquit le 27 février 1933 à Berkane au Maroc. Il grandit dans une famille composée de douze enfants dont il était l'aîné. En grandissant dans ce milieu, le jeune Mohamed, sous l'impulsion de son père, Hadj Mustapha Bouabdallah(1) plus connu sous le nom de Belhadj, va développer un caractère à la volonté exceptionnelle qui force déjà le respect. L'expulsion de la famille Bouabdallah du Maroc par les autorités françaises a marqué Mohamed, tout en lui permettant de prendre conscience quant à la libération de l'Algérie du joug colonial, particulièrement que son père s'est engagé dès l'aube du Premier novembre 54 et bien avant dans ce chemin. Hadj Bouabdallah, installé au Maroc depuis plus d'un demi siècle, grand propriétaire terrien, était l'un des piliers fondamentaux de la résistance algérienne à l'étranger. Il a mis à la disposition de la Révolution toutes ses fermes et ses biens. Des bases arrières qui ont grandement participé au soutien et à l'approvisionnement de la lutte armée à l'intérieur du pays. Une de ses fermes située en territoire marocain, au bord de la rivière Moulouya près d'Oujda, a abrité plusieurs sessions de formation de cadres de l'ALN dont Kasdi Merbah, Ali Tounsi, Nourredine Delci, Abdelaziz Maaoui…etc.Mohamed, une fois de retour au Maroc, se lance dans la poursuite de ses études et obtint le diplôme d'ingénieur agronome délivré par l'Ecole d'agriculture de Kenitra. Il met ses compétences au profit des exploitations agricoles de son père.Le jeune Bouabdallah, confronté au quotidien de la Guerre de Libération nationale, exploite son temps à s'imprégner des activités clandestines de son père. Sans attendre plus longtemps, il développe en soi une conscience sociale et politique. Riche de cette expérience parentale, le jeune Mohamed intègre les rangs du FLN au début de l'année 1956. Le duo Bouabdallah (père et fils), s'active à l'intérieur du Maroc pour apporter le soutien logistique aux Moudjahidine de l'intérieur. Les deux hommes s'approprient l'axe Nador-Oujda pour acheminer armes, médicaments et autres besoins de lutte vers le territoire algérien.Au mois de juin 1956, Mohamed en tant qu'aîné de la famille Bouabdallah accompagna son jeune frère Abdelmadjid jusqu'à la frontière entre le Maroc et l'Algérie. Abdelmadjid venait d'intégrer directement les rangs de l'ALN à l'intérieur du pays. Les deux frères en se séparant et en guise d'adieu, se sont engagés à être des " hommes "au service de la cause nationale. Cette marche de la famille Bouabdallah vers la libération de l'Algérie va se muer ensuite par le départ de Mohamed en direction des maquis. Il rejoint les troupes de l'ALN au mois de décembre 1957.Abdelhafidh Boussouf, remarquant la rigueur morale unique du jeune Mohamed, fait appel à lui et l'intègre dans ses quartiers pour ensuite le mettre en stage de contrôleur de zone du 15 janvier au 15 mars 1958 en compagnie d'autres moudjahidine et moudjahidate dont Bouteflika Abdelaziz dit Amine, Abdallah Abdelaziz dit Aafar, Belahbib Abdallah dit Tarik, Belhad Mohamed dit Jugurta, Berri Mustapha dit Hassane, Chellali Khadija dite Guenoucha, Chellali Yamina dite Rabha, Hadj Slimane Aouicha dite Fawzia, Hadaj Malika dite Messaouda, Miri Rachid dit El-Arem, Moulay dit Mansour, Ouissi Ouali dit Yamina, Rahal Mehdi dit Rachid, Semache Hamid dit Houari.En activité dans la zone 8 (wilaya 5), le lieutenant Bouamama est blessé. Il est soigné à Oujda par le docteur Heddam.Après sa convalescence, il reprend ses responsabilités. Le commandement lui ordonne de rester aux frontières ouest en raison de sa profonde connaissance de la région et du terrain, mais le lieutenant Bouamama qui agissait comme il pensait, refusa et demanda à ses responsables supérieurs de l'affecter à la wilaya 6 après sa création.Le destin a voulu que le jeune lieutenant Bouamama tombe au champ d'honneur le 16 septembre 1958, au lieudit "Ouled Mejdel". Ses deux compagnons d'armes, le lieutenant " Si Chawki " et Slimani Slimane (2), témoins de son décès, ont procédé à son enterrement en lui rendant les honneurs d'un héros.Le rapport transmis au Commandement général par le chef de bataillon de choc, 1ere compagnie dans lequel a servi le lieutenant Bouamama, a décrit cette perte avec tristesse et un profond regret. Ses compagnons d'armes ont considéré le défunt Chahid comme un Moudjahid conscient de son devoir, de sa mission et de ses responsabilités, prouvant sur le terrain sa forte personnalité et sa détermination à lutter contre le colonialisme français et contre toutes les formes d'oppression que subit le peuple algérien.Le lieutenant Bouamama, selon ceux qui l'ont approché, était devenu pour ses supérieurs et ses compagnons d'armes, un exemple d'ardeur au travail et un vaillant combattant. Ses anciens camarades remarquent aujourd'hui que Mohamed Bouabdellah alias " lieutenant Bouamama, s'est toujours distingué par les mots "rigueur", "organisation efficace", "discipline ferme" et "vigilance". Des qualités qu'il a mises au service du collectif pour la libération du payset qui reviennent de façon répétitive, comme des " leitmotive ". Cette insistance, il l'a voulait, faisant dire à ses compagnons d'armes après sa mort : "Nous aurions souhaité sacrifier nos vies pour sauver celle du lieutenant Bouamama". B. Chellali 1) Hadj Mustapha Bouabdallah a été décoré le 1er novembre 2004 par le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika pour services rendus à la nation. 2) Lieutenant si Chawki, de son vrai nom Ferhat, a été ambassadeur d'Algérie au Maroc après l'indépendance. Slimani Slimane dit Commandant Slimane Lekhal a été après l'indépendance commandant du secteur militaire de Chlef pendant plusieurs années.