El Hadj Mustapha Bouabdallah, dit Belhadj, né le 18 mars 1906 à Souahlia (Ghazaouet), décédé le 22 février 2009 à Berkane, au Maroc, où il a été enterré, est une grande figure de la Révolution algérienne. Moudjahid de la première heure, père de chahid, Belhadj installé au Maroc au début du siècle dernier, est propriétaire de milliers de terres agricoles éparpillés à travers diverses fermes entre Oujda et Nador ainsi que de nombreux autres biens dans la région. Tout ce patrimoine et ces richesses ont été mis par la famille Bouabdallah à la disposition des besoins militaires et politiques de la Révolution algérienne. Auparavant, El hadj Mustapha avait beaucoup apporté sa contribution et son aide aux résistants marocains lors de leur insurrection pour l'indépendance, au début des années 50. Une contribution qui lui a valu la reconnaissance officielle du Royaume chérifien. La grande tribu des Bachiri l'a honoré à Tafouralt en 2007. Il avait entretenu des relations de grande qualité et de respect avec le Roi Mohamed V. Ce dernier l'ayant même reçu en 1960 au palais royal avec une délégation de notables algériens installés au Maroc. De la race des grands nationalistes, Belhadj a fait partie des premiers pionniers des Algériens résidant au Royaume chérifien à se mettre au service de la cause nationale. Ses fermes constitueront autant de bases arrières pour les éléments de l'ALN que pour les actions politiques du FLN. La ferme familiale " Duroy " abrita le premier hôpital de l'ALN et couvrit aussi les besoins de santé des populations marocaines des montagnes de Nador. Parmi les médecins ayant exercés dans cet hôpital ont citera Khati, Frantz Fanon, Ouahrani, Saïd et bien d'autres infirmiers et infirmières. Une autre ferme, située sur les bords de Moulaya, dans la région d'Oujda, abrita le siége de l'Ecole des cadres de la révolution, ou le centre d'instruction des forces spéciales, dirigé par Abdallah Arbaoui, dit Nehru et qui a accueilli les Khalef, dit Kasdi Merbah, Noureddine Delci, Abdelaziz Maoui et tant d'autres. C'est aussi la fameuse Ecole des transmissions, dirigée par Abdelhafidh Boussouf, qui a vu défiler tant de jeunes patriotes. Sans oublier que le centre d'instruction des forces spéciales de la Moulaya, à l'intérieur de la ferme Bouabdallah qui a accueilli les grands révolutionnaires africains à l'image de Nelson Mandela et Amilcar Cabral. Belhadj a durant la Guerre de libération nationale accueilli dans ses propriétés nombre de dirigeants de la révolution dont Larbi Ben M'hidi, Houari Boumediene, Abdelhafidh Boussouf, Lakhdar Bentobal, faisant de ses terres et de ses biens le berceau de l'Algérie souveraine. D'ailleurs, les scouts musulmans algériens organisèrent leurs premières manifestations à l'intérieur des périmètres des Bouabdallah. Ce fut également le cas des comédiens engagés dans la révolution qui venaient pour des séances d'interprétations et de répétition de leurs pièces. Boubagra et l'Apprenti y sont passés par là à la ferme Madagh. El Hadj Mustapha Bouabdallah avait également une très grande estime pour Messaoud Zeggar dont il mettait à la disposition de ses cellules des endroits discrets pour tester en toute quiétude les armes fabriquées dans les usines clandestines de l'ALN. Ces armes, une fois testées, sont convoyées par Bouabdallah vers la frontière algérienne dans ses propres camions. Avec le temps, le grand patriarche Bouabdallah, en raison de sa notoriété dans la région, avait plus de facilité pour circuler et la possibilité de faire passer dans ses propres véhicules et camions hommes et armes vers l'Algérie, souvent à la barbe des policiers et de l'armée française avant l'indépendance du Maroc. Mais le renseignement français a fini par découvrir l'activité et le travail clandestin de Belhadj au profit de la révolution de son pays. Fiché sous le nom de " colon du FLN ", Belhadj subit les pires représailles de l'armée française. Sa ferme de Athamna a été bombardée par l'armée coloniale. Elle finie par comprendre son caractère d'insoumis et son engagement dans la guerre de libération nationale, d'où son arrestation en 1957 qui provoqua une riposte guerrière de la part de l'ALN qui kidnappa à Casablanca un colonel de l'armée française du nom de Mazurier. Une première dans les annales de la lutte de libération nationale . Mazurier a fait l'objet d'un échange avec le Moudjahid Belhadj. Son fils aîné, Mohamed, né le 27 février 1933 à Berkane, au Maroc, intégra les rangs de l'ALN au début de l'année 1956. Le duo Bouabdallah (père et fils) s'active à l'intérieur du Royaume chérifien pour apporter leur soutien logistique aux Moudjahidines de l'intérieur. Les deux hommes s'approprient l'axe Nador-Oujda pour acheminer hommes, armes, médicaments et autres besoins de lutte vers le territoire algérien. Au mois de juin 56, Mohamed en tant qu'aîné de la famille Bouabdallah accompagna son jeune frère Abdelmadjid qui vient d'intégrer les rangs de l'ALN à l'intérieur. Cet engagement de la famille Bouabdallah dans le feu de l'action pour la libération du pays va se muer ensuite par le départ de Mohamed en direction des maquis de l'intérieur en décembre 1957. Mohamed gravit vite les échelons de la hiérarchie de l'ALN pour se voir décerner le grade de lieutenant sous les ordres d'Omar Driss. Il tomba au champ d'honneur le 16 septembre 1958 à Medjedel entre M'sila et Djelfa. Bouabdallah père, bouleversé par la disparition de son fils Mohamed, ne divulgua mot à son épouse jusqu'à l'indépendance. Dans son raisonnement pour le resserrement des rangs de la révolution Belhadj, dans sa conviction, misait beaucoup sur l'unité qu'il considérait comme l'option la plus bénéfique pour l'indépendance du pays. Aussi, il multiplia ses interventions et ses médiations pour dissiper et parfois même écraser les querelles et les différends entre les responsables du FLN et des officiers de l'ALN. Pour ceux qui ont côtoyé de près le défunt Belhadj disent de lui qu'il était un homme rigoureux et inflexible et redouté. Il avait choisi d'être le serviteur des humbles et le combattant pour la liberté et l'unité du Maghreb. Les plus pauvres étaient ses vrais compagnons. Précurseur dans la sagesse et la pratique du bien au profit d'autrui, Belhadj a su, en tant que notable, utiliser ses richesses au profit des résistants marocains, de la révolution algérienne mais aussi pour les pauvres des régions de Berkane, Nador et Oujda. El Hadj Mustapha s'est toujours voulu humble dans ses actions de bienfaisance, un être spirituel aux qualités humaines exemplaires. Une quête de l'esprit qui ouvre à la sagesse pratique et qui a durant plus de 103 ans marqué l'intelligence, les chemins de paix de ce grand homme, qui a souvent joué un rôle cardinal pour justifier la sauvegarde des relations entre son pays l'Algérie, et son autre pays de résidence le Maroc. Sa vision des relations d'amitié et de fraternité entre les deux peuples a été bien réelle concrète, objective en de multiples situations.