Après Femmes d'Islam et surtout son succulent Mémoires d'immigrés qui a raflé les sept d'or en 1998), Yamina Benguigui revient sur ses passions des rapports nord-sud avec cette fois ci, “ 9/3, mémoire d'un territoire ”. Un documentaire diffusé hier sur sa chaîne productrice, Canal +. 9/3, n'est en fait rien d'autre que le département 93 de la Seine Saint Denis, le terreau explosif d'où étaient parties les émeutes de 2005. Bien sûr que la réalisatrice n'a pas rapporté les réactions dans le vif, mais était en revanche retournée vers l'histoire pour comprendre comment cette région parisienne était devenue un territoire explosif. Dans cette nouvelle œuvre, la réalisatrice tente de nous faire comprendre comment et pourquoi la Seine Saint Denis était devenue l'un des symboles des banlieues en crise. Alliant un travail d'investigation historique avec les témoignages souvent poignants de responsables, d'architectes, de citoyens dont le langage est souvent cru, Yamina Benguigui est allée chercher une lucarne dans le passé. Car 9/3, Mémoire d'un Territoire retrace, en trois actes, l'histoire de ce territoire de la région parisienne de 1850 aux émeutes de 2005.“L'origine de ce territoire est liée à l'épopée industrielle et à la naissance des temps modernes ”, avait affirmé la réalisatrice, qui poursuit : “ Après la seconde guerre mondiale, c'est le temps des grands ensembles. On a le sentiment que l'urbanisation traduit à la fois l'urgence de la reconstruction et le rêve technocratique d'une ville nouvelle. ” Dans un entretien au journal Le Monde, Yamina Benguigui affirmait que c'est le film le plus politique qu'elle a fait et est toujours en colère. “ Ces dernières années, on a redoré le ghetto, c'est tout. Mon but est de contribuer à faire cesser cette relégation. Un ghetto, ce ne sont pas des gens qui s'adorent et décident de se mettre ensemble. En réalité, c'est une marginalisation organisée, une discrimination raciale ”.Evoquant les années soixante-dix, Yamina Benguigui note que “ le regroupement familial est décidé au moment même où la désindustrialisation frappe de plein fouet le Département ”. “ Faire ce film, précise-t-elle dans sa note d'intention c'est raconter la genèse de ce département balloté par les fluctuations économiques, en lui restituant son histoire, sa mémoire, sa dignité et le respect qui lui est dû ”. Dans les années 60, la désindustrialisation a provoqué le départ des classes moyennes, laissant la place à une population d'immigrés alors qu'une nouvelle génération naissait sur ce territoire. Le film qui fait appel à la mémoire de tous ceux qui ont approché d'une façon ou d'une autre ce chaudron de la Seine Saint Denis , est travaillé sur le même style artistique qu'on connait à Yamina Benguigui. C'est à dire en fonction des événements historiques marquants, la cinéaste interroge et constate les bouleversement que ça produit parfois systématiquement et parfois à long terme. 9/3, mémoire d'un territoire, un travail de quatre-vingt-dix minutes dans l'inconscient collectif des habitants de Seine-Saint-Denis est la découverte d'une mémoire emplie de souffrances et de trahisons.Le film s'ouvre par quelques images des émeutes de novembre 2005 et se clôt par une dédicace à Zyed et Bouna, les deux adolescents qui ont trouvé la mort ... A voir absolument !