La fiction Aïcha de 96 minutes, produite par France 2, crée un précédent et ouvre une brèche dans cette représentation de la diversité à la télévision française, qui s'est cantonnée jusqu'à aujourd'hui à une reproduction à l'identique d'une France aseptisée, monocolore, fonctionnant à outrance dans le cliché et le déni. Ce film sera diffusé au mois de mai prochain et a été projeté en avant-première à Paris, en présence des comédiens, à l'exception de Biyouna et Sofia Essaïdi. L'intrusion dans l'univers cathodique de ces populations “invisibles” laisse la voie libre à tant d'espérances, d'espoirs et de talents. À l'issue de la projection, Yamina Benguigui affirme : “Le renouveau viendra de la banlieue.” Et d'ajouter : “Les comédiens existent, les histoires aussi, il ne reste plus à la télévision qu'à prendre le risque de montrer cette France de l'autre côté du périphérique, de briser ce mur invisible.” Elle se dit prête à continuer son œuvre de cinéaste engagée pour dé-stigmatiser la population immigrée et lui rendre sa place, toute sa place dans l'histoire de France. Le film Aïcha est sa deuxième fiction, moins autobiographique que Inch Allah Dimanche (2001), quoique la ressemblance de la réalisatrice avec l'héroïne du film paraît évidente. Le film emprunte toute sa mécanique à la comédie italienne. Il est concentrique, il part de son épicentre, la famille Bouamazza, et “modélise” un vécu familial en rapport à un certain nombre de thématiques (sexualité, autorité patriarcale, guerre d'Algérie, intégrisme de banlieue, loi du groupe, ghetto urbain et social…). Il est le premier volet d'une série de 6 fictions de 90 minutes qui seront diffusées par la télévision publique. À la demande du public, Yamina Benguigui a évoqué quelques éléments des scénarii des cinq autres “épisodes”. Née à Lille en 1957, Yamina Benguigui est la première réalisatrice et productrice française d'origine algérienne. Elle est engagée depuis plusieurs années à rendre visibilité, respect et dignité aux générations issues de l'immigration maghrébine. Ses films sont des outils pédagogiques, précieux pour toute la communauté enseignante et universitaire. Elle a réalisé de nombreux documentaires : Mémoires d'immigrés en 1997, le Plafond de verre en 2005 et 9/3 mémoire d'un territoire en 2008. Tous ces documentaires sont des plaidoyers pour lutter contre toutes les formes de discrimination. M. A.