Sur les marchés de matières premières, le sauvetage des banques américaines prend des allures de sauve qui peut général. A l'exception de l'or, la fameuse valeur refuge qui aimante les investisseurs, toutes les matières premières ont bu la tasse, le 6 octobre. Huile de palme ou de soja, café, sucre, cacao, cuivre, blé ou pétrole : pas un marché n'est épargné par la vague baissière. Les derniers arrivés sur ces marchés, les fonds, sont les premiers à repartir. La dégringolade du prix des matières premières sensibles à la conjoncture économique, notamment l'énergie et les métaux industriels, signale que la crise financière est sortie du périmètre de Wall Street ou de la City et commence à toucher l'économie réelle. "Bien que tous les regards soient braqués sur la crise du crédit, sur les baisses de taux et sur le sauvetage des marchés financiers, la détérioration de l'économie réelle n'a pas échappé aux courtiers des matières premières", souligne l'analyste John Reade, de la banque UBS. Les prix du pétrole, matière première la plus emblématique de toutes, ont reculé d'environ 45% en trois mois, passant de près de 150 dollars en juillet à 81 dollars à Londres mardi. L'or noir souffre à la fois d'être monté à un niveau de prix trop haut cet été, incitant les consommateurs à laisser leur voiture au garage, et des effets directs de la crise financière: les investisseurs ont vendu à tour de bras leurs participations dans ce marché en voyant la demande se contracter aux Etats-Unis et en Europe, mais aussi pour rapatrier des capitaux dans le contexte de la crise de liquidités. Les prix du maïs, du blé et du soja ont de nouveau reculé cette semaine sur le marché à terme de Chicago, minés par la persistance de la crise financière qui pourrait affecter la consommation de matières premières. Les marchés financiers ont connu une semaine noire, assombrissant nettement les perspectives économiques mondiales et donc les perspectives pour la demande. Alimentant ces craintes, le Fonds monétaire international a nettement revu à la baisse sa prévision de la croissance mondiale pour 2009, à 3,0%, celle des pays développés ne devant pas dépasser 0,5%. Les cours ont plongé à des niveaux plus vus depuis plusieurs mois: sous les six dollars le boisseau (25 kilogrammes), le blé est au plus bas niveau depuis juillet 2007. Mais la chute a été limitée par une reprise en milieu de semaine, car "les investisseurs se rendent comptent que les fondamentaux du marché restent solides", explique Hussein Allidina, de Morgan Stanley. Contrairement à l'énergie, ou au textile, la consommation de blé, maïs et soja, utilisés pour l'alimentation, dépendent moins nettement de l'environnement économique. Les statistiques hebdomadaires du ministère américain à l'Agriculture (USDA) ont ainsi montré une hausse des exportations de maïs et soja américains. Sur le marché du London Metal Exchange où s'échangent les métaux de base (cuivre, nickel, plomb...), la crise fait grincer les dents: ces "commodities" sont revenus à des niveaux de prix pratiqués trois ans plus tôt. Leader de ce secteur, le cuivre qui culminait à 8940 dollars la tonne pendant l'été, a reculé mercredi à 5212 dollars, un plus bas depuis mars 2006. Le Groupe international d'étude du cuivre (ICSG), qui tablait en début d'année sur un manque de ce métal sur le marché, a refait ses calculs jeudi en tenant compte de la crise. "Le déficit pour la première moitié de l'année, calculé à 100'000 tonnes, devrait être compensé par un surplus de 235'000 tonnes pour la seconde moitié" de 2008 en raison du "retournement des marchés mondiaux", affirme l'institut. Star déchue des métaux, le nickel est retombé à 12'650 dollars la tonne, son niveau de décembre 2005. Métal "de base" le plus cher jamais vendu, avec un record à 51'800 dollars en mai 2007, il a vu son prix divisé par quatre en 18 mois. Le zinc a reculé à 1430 dollars, un plus bas depuis trois ans. Et l'aluminium a plongé à 2 230 dollars, un niveau plus atteint depuis janvier 2006. La courbe des prix des métaux de base, consommés dans l'industrie et le bâtiment, épouse généralement les cycles de croissance: leurs prix sont donc habituellement considérés comme de bons indicateurs de conjoncture. "La faiblesse des métaux reflète la détérioration des perspectives économiques mondiales", souligne William Adams, du cabinet BaseMetals. Autres prix considérés comme des baromètres particuliers de l'économie mondiale, ceux du transport de marchandises sèches (charbon, acier, céréales...) par bateau se sont effondrés à leurs niveaux les plus bas depuis plus de deux ans. L'unique rescapé de ce grand jeu de massacre est l'or dont le prix a insolemment grimpé à 921 dollars mercredi, non loin de son record absolu du printemps (à 1032 dollars). Avant d'être un métal industriel, le métal jaune est d'abord un placement financier qui profite à plein de son attrait de valeur refuge par gros temps. Même les vendeurs de lingots d'or constatent cet engouement.