A l'instar des principales matières premières, l'année 2009 a mieux fini qu'elle n'avait commencé, pour le métal jaune. Considéré comme la valeur refuge par excellence, le fameux métal précieux ne risque-t-il pas d'"éclater" face à l'explosion de la demande ? Portés par les premiers signes de reprise, les prix des matières premières devraient continuer à bénéficier d'un effet demande, selon la plupart des analystes. Et forcément, lorsque la reprise pointe le bout de son nez, la principale crainte des investisseurs est l'inflation. Les banques centrales, notamment américaine, vont-elles la laisser filer pour que la croissance s'installe ? Justement, les matières premières excellent dans la couverture contre la hausse générale des prix. Parmi elles, l'or. C'est le retour de la "relique barbare", pour reprendre la célèbre expression de John Maynard Keynes, le fameux économiste anglais. En un an, l'or a gagné 40%, soit une hausse deux fois plus importante que la CAC 40. Une progression qui a atteint un pic, le 3 décembre dernier, avec un plus haut historique : 1.227 dollars l'once. Les baisses successives de taux d'intérêt ont ramené le loyer de l'argent à un niveau tellement proche de zéro que la faible rentabilité de l'or passe totalement inaperçu. Plus que d'un véritable intérêt - contrairement aux obligations ou aux actions, l'or ne rapporte rien (d'où cette expression de "relique barbare" - le métal précieux profite surtout de trois phénomènes. Le premier : la faiblesse du dollar, dont les pays émergents, principalement, se détournent. Les Asiatiques, et notamment les Chinois, critiquent même ouvertement la suprématie du dollar vert. Ce qui, au passage, constitue un jeu dangereux pour l'Empire du Milieu, puisque environ 80% de ses réserves de change sont libellées en…dollars. Mais, parallèlement à cela, la Chine, comme l'Inde, renforce ses réserves d'or, dans un souci de diversification de ses réserves de change. Bien qu'ils ne représentent qu'à peine 1,6 % de ses réserves totales de change, les lingots conservés dans les coffres de la banque centrale chinoise correspondent toutefois au volume non négligeable de 1.054 tonnes, contre 600 en 2003. Ce qui place l'Empire du Milieu à la sixième place du classement des banques centrales les plus riches en or, ravissant cette place à la Suisse. L'augmentation de 76 % des réserves de change chinoises en or confirme de façon éclatante l'intérêt que Pékin porte à ce métal, elle, qui plaidait pour l'abandon de l'étalon or. Surtout, cette hausse confirme clairement la volonté de la Chine de voir émerger plus que jamais une nouvelle monnaie internationale qui remplacerait…le dollar. Autre aspect directement lié à la baisse du dollar : la crainte d'un retour de l'inflation. "Maintenant, ce sont les conditions de sortie de récession qui inquiètent ; les banques centrales devraient avoir la tentation de laisser filer l'inflation dans un premier temps, pour que la reprise s'installe", remarque Frédéric Lasserre, responsable de la recherche sur les matières premières à la Société Générale. Bien qu'il ne soit pas encore question, surtout du côté de la Banque centrale européenne, de laisser filer l'inflation, la Fed, quant à elle craint pour certains pays développés des risques déflationnistes. Elle pourrait ainsi dès le deuxième trimestre 2010 remonter ses taux. Enfin, pour se protéger de la perte de valeur de leurs actifs, les investisseurs recherchent un refuge physique, dans le pétrole et les métaux de base, mais avant tout dans l'or. Dans un contexte où certains pays européens se trouvent en difficulté (dégradation des notes de la Grèce, mise sous surveillance de celle de l'Espagne…), l'or voit son rôle de valeur refuge contre le risque souverain renforcé. "En l'absence de reprise durable, le risque souverain pourrait aisément s'étendre à d'autres pays (Grèce, Portugal, Italie)", affirme François Chevallier, stratégiste de la banque Leonardo. "Le fameux métal précieux apparaît comme un actif sûr, puisqu'il peut servir de monnaie de dernier recours. La hausse de l'or est faite pour durer", prétend Nicolas Rajner, porte-parole d'ETF Securities. Sa récente rechute de 1.110 dollars l'once doit néanmoins inciter les investisseurs à rester vigilants. Les actifs désignés comme des valeurs refuge, à l'instar de l'or, pourraient tout aussi bien se transformer en des bulles spéculatives prêtes à exploser à n'importe quel moment. "La hausse de l'or constitue une énigme, car apparemment solitaire, souligne François Chevallier. L'or, considéré en tant que matière première, est remonté bien plus vite que le pétrole. Il a aussi monté davantage que l'euro (valeur refuge contre le dollar) et que les taux longs (valeur refuge contre l'infation), et ce alors que l'aversion au risque a continué de reculer ". Les vertus de l'or ont été récemment confirmées par la décision des grands pays du monde de mobiliser une partie des réserves d'or du Fonds monétaire international pour financer ses actions de soutien aux économies émergentes. La crise financière globale a permis la résurrection de la relique barbare. Il est certes moins sûr qu'elle conserve ce nouveau statut une fois la crise résorbée.