La reprise de la coopération bilatérale entre Cuba et l'Union européenne, après une rupture de cinq ans décidée par Fidel Castro, marque une ouverture de son frère et successeur Raul Castro. Le Commissaire européen au Développement Louis Michel et le chef de la diplomatie cubaine Felipe Pérez Roque ont signé jeudi la reprise formelle, sur la base notamment de la non ingérence dans les affaires internes, de la coopération entre l'UE et La Havane. Le président Raul Castro a reçu vendredi soir M. Michel, selon les médias cubains, au moment même où l'ambassade de la République tchèque, pays qui doit assurer la présidence tournante de l'UE à partir du 1er janvier, envoyait un signal fort en recevant les principaux dissidents cubains pour sa fête nationale. La coopération UE-Cuba avait été rompue en 2003 par Fidel Castro, outré des sanctions qu'avait prises l'UE pour protester contre l'arrestation de 75 dissidents cubains, dont 55 sont toujours incarcérés. Ces sanctions très symboliques, qui consistaient à limiter les visites bilatérales de haut niveau et à inviter systématiquement les dissidents lors des fêtes dans les ambassades des pays de l'UE, avaient été levées en juin dernier pour encourager Raul Castro à faire des progrès vers la démocratie. Mais l'évolution de la politique cubaine est depuis tiraillée entre les "pragmatiques" et les "orthodoxes" au sein du gouvernement, selon experts et diplomates. Et si Raul Castro a réussi à introduire certains changements pour assouplir une bureaucratie trop rigide et relancer une économie exsangue, il n'a pas "allégé" le régime en matière de droits et libertés, selon les dissidents. Illustration de cette dualité: les destructions causées par les ouragans fin août-début septembre ont permis d'accélérer le processus de privatisations de terres en friche, mais la "crise alimentaire" que connaît depuis le pays a dans le même temps entraîné - à l'appel de Fidel Castro - une répression accrue contre la population, selon l'économiste dissident Oscar Espinosa Chepe.Malgré sa "retraite médicale", Fidel Castro, qui multiplie les "réflexions" sur l'actualité dans la presse locale, "a toujours de l'influence au sein du gouvernement et sur Raul", estime un diplomate sous couvert de l'anonymat. C'est pourquoi des dissidents considèrent la reprise du dialogue avec l'UE comme une victoire de l'aile modérée du gouvernement. M. Espinosa Chepe, faisant partie du groupe de dissidents arrêté en 2003 mais libéré pour des raisons de santé, rappelle que, au moment de la levée des sanctions de l'UE, Fidel Castro avait claqué la porte au nez de Bruxelles en faisant part de son "mépris" pour cette énorme "hypocrisie" européenne. Manuel Cuesta Morua, autre chef de file de la dissidence, a lui estimé que "la coopération est le meilleur moyen de permettre une ouverture de la société cubaine et une démocratisation du pays". Cette reprise du dialogue avec l'UE est par ailleurs intervenue deux semaines avant l'élection présidentielle américaine qui pourrait également changer la dynamique des relations avec Cuba. Le candidat démocrate Barack Obama, qui mène dans les sondages, s'est en effet prononcé en faveur d'une détente avec l'île communiste soumise depuis 1962 à un embargo de la part des Etats-Unis. "Le gouvernement américain en est train de changer sa position. S'il prônait auparavant un changement de régime à Cuba, il croit désormais que les réformes démocratiques doivent être effectués de l'intérieur, par le régime en place", estime un diplomate en jugeant "totalement contre-productif" l'embargo.