Les prix du pétrole ont reculé vendredi à New York face à l'accumulation des signes de détérioration de l'économie, aux Etats-Unis comme en Europe, malgré la possibilité d'une nouvelle baisse de la production des pays exportateurs qui se réunissent d'urgence fin novembre. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" pour livraison en décembre a fini à 57,04 dollars, en baisse de 1,20 dollar par rapport à la clôture de jeudi. "Le marché reste dominé par les inquiétudes sur l'économie", a relevé Antoine Halff, de Newedge Group. Alors que le marché voit avec anxiété la consommation de pétrole déjà en net recul aux Etats-Unis, la situation du premier pays consommateur d'or noir au monde continue de se dégrader. Les ventes de détail y ont accusé leur plus forte chute le mois dernier depuis que cette statistique est publiée, en 1992. Et "l'entrée de l'Europe en récession n'aide pas", a ajouté Bart Melek, de BMO Capital Markets. Les investisseurs craignent une récession d'ampleur mondiale susceptible d'affecter de manière profonde et durable la consommation de produits pétroliers. Dans son rapport mensuel, publié jeudi, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a abaissé sa prévision de consommation mondiale de pétrole, de façon "considérable", selon l'analyste de BMO. Pour 2008 elle ne prévoit plus qu'une infime croissance de la demande, de 100.000 barils par jour (bj) seulement, suivie en 2009 d'une toute petite hausse, de 400.000 bj. Face à l'effondrement des cours, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a convoqué une réunion d'urgence au Caire le 29 novembre. Le baril du pétrole a perdu les deux tiers de sa valeur depuis le mois de juillet, et a touché jeudi en début de séance 54,67 dollars, un prix plus vu depuis janvier 2005. La rencontre du Caire s'intercalera entre une réunion d'urgence qui s'est déroulée fin octobre à Vienne et avait débouché sur la décision de baisser de 1,5 million de barils par jour la production, et une réunion extraordinaire du cartel maintenue le 17 décembre à Oran (Algérie). L'Iran a déjà indiqué vendredi qu'il soutiendrait une décision de baisser la production de l'Opep à cette réunion prévue au Caire, selon l'agence de presse iranienne Mehr. Pour leur part, les pays du Golfe tentent de résister à la chute des cours. Les places financières des pays du golfe Persique sont encore fortement corrélées aux variations du prix de l'or noir. Ainsi, la Bourse du Koweït, qui a atteint son niveau le plus bas depuis quarante ans, sera fermée jusqu'au 17 novembre. Simon Williams, économiste spécialisé dans les économies du Golfe chez HSBC, explique : " L'élément clé du développement des économies du Golfe (Ndlr : Dubai, Emirats arabes unis, Qatar, Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn, Oman) a été le pétrole. " La région est riche de 55 % des réserves mondiales d'or noir et de 40 % des réserves de gaz. La rente pétrolière a permis à ces pays d'accumuler d'importantes réserves de change et d'afficher des balances courantes excédentaires. Mais la dépendance de l'économie au pétrole tend à s'amenuiser. Simon Williams analyse : " Si le prix du pétrole continue de baisser, la croissance du PIB va ralentir dans toute la région. Mais il faudrait qu'il passe sous la barre de 55 dollars (30 dollars pour le Koweït) pour que cela ait un impact négatif sur les dépenses publiques. " Selon une étude de la société de gestion estonienne LHV, émettrice d'un fonds golfe Persique (Isin : EE3600095287), la part du secteur pétrolier serait déjà passée de 70 % à 25 % du PIB dans les Emirats arabes unis et à Bahreïn. Par ailleurs, l'interventionnisme étatique devrait soutenir la croissance : 1,6 trillion de dollars seront investis dans la région au cours des cinq prochaines années. " Le risque est que, tous ces pays lançant des plans similaires au même moment, la région souffre d'une surcapacité dans une période de ralentissement ", tempère Emin Rasulov, gérant chez Batterymarch, filiale de Legg Mason. Les économies du Golfe sont également portées par des flux d'investissements internationaux. Pour attirer les capitaux étrangers, le Koweït a ainsi mis en place des zones spéciales, caractérisées par une fiscalité avantageuse : le taux d'imposition y est ramené à 15 % du bénéfice, contre 55 %.