Par Mohamed Latreche A Takoradi, ville du Ghana de 400.000 âmes, les pouvoirs publics se préparent pour 2010, date à laquelle le pétrole offshore devrait commencer à couler. La ville est en pleine mutation. Les nouveaux immeubles poussent comme des champignons tandis que les vieux bâtiments sont retapés. C'est que depuis la récente découverte de pétrole au large de ses côtes il y a un an, tous espèrent une promesse d'un avenir meilleur, à condition bien sur d'éviter les "pièges" de l'or noir ! Selon les experts, le brut découvert dans le pays est encore plus facile à raffiner que le light sweet crude du Nigeria. Ce qui pousse cependant, certains observateurs à s'interroger sur l'impact de cette découverte. Sera-t-il uniquement positif, ou fera-t-il le malheur de ce pays à l'instar des mésaventures vécues par le Nigeria et la République du Congo, où l'exploitation pétrolière a donné lieu à des violences ? Connu par le passé pour ses richesses en or, bois et cacao, l'ancienne colonie britannique, va devoir faire face à la convoitise des puissantes multinationales américaines et britanniques déjà présentes sur le terrain. Car, en effet, si cette manne représente pour la population une source potentielle de prospérité et de développement, les expériences de développement des grands pays pétroliers comme l'Angola ou le Nigeria ont montré que la bénédiction des ressources naturelles peut se transformer, et c'est souvent le cas, en malédiction. Bon nombre de pays africains, producteurs de pétrole, ont enregistré un arrêt, voire un déclin de leur croissance économique avec l'exploitation de leurs ressources pétrolières. Les guerres du Biafra au Nigeria (1967-1970) et au Cabinda en Angola avaient pour enjeu principal la captation des ressources pétrolières pour ne citer que ces derniers. " Plus on dépend des exportations pétrolières plus il y a augmentation du risque de guerres civiles, disait Paul Collier, économiste et actuel directeur du Centre des études des économies africaines à Oxford. Ce dernier a en effet soulevé le concept du " syndrome hollandais " qui renchérit les monnaies des pays exportateurs de matières premières et les empêche d'exporter des biens manufacturés. Selon la théorie qu'il prône, la compétition électorale peut vite tourner à l'ultra-clientélisme dans les pays dotés d'une telle manne. Reste cependant que le cas du Ghana, est loin de ressembler aux cas précités, l'introduction d'un nombre même limité de contre-pouvoirs (liberté de la presse, obligations de lancer des appels d'offres pour attribuer des marchés publics…) rend sa démocratie plus performante. D'ailleurs, John Kufuor, son actuel président, s'apprête à tirer sa révérence au terme de deux mandats, comme le prévoit la Constitution, et les Ghanéens éliront cette semaine son successeur.