Diffusé une première fois le 8 mai dernier sur France 2, "L'autre 8 mai 45" de Yasmina Adi est depuis hier et jusqu'au 21 du mois en cours diffusé sur Public Sénat. Basé sur des documents inédits que la cinéaste a retrouvé parmi les archives du gouvernement français et des services secrets anglais et américains, ce documentaire donne la parole aux témoins français, algériens, ainsi qu'au premier reporter arrivé sur les lieux. Cette enquête lève le voile sur les mécanismes et les conséquences de cette répression coloniale. Cet Autre 8 Mai 1945 est aux origines de la guerre d'Algérie et célébré chaque année en Algérie par des rencontres-débats, des projections et autres. Date clé pour l'histoire algéro-française, Le 8 mai 1945 est avant tout un jour de deuil. Chaque année, on célèbre la victoire sur l'Allemagne nazie. De l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, ce jour de gloire est un jour de mémoire. Dans la liesse de la victoire en 1945, des Algériens ont revendiqué leur volonté d'indépendance. Ils subiront durant plusieurs semaines une violente répression conduite par l'armée française. Elle fera des milliers de victimes. Mais soixante ans plus tard, la répression du printemps 1945 en Algérie recèle encore de nombreuses zones d'ombres. Cette date est aussi celle de la répression sanglante des manifestations populaires qui se sont déroulées à Sétif et à Guelma (Algérie) pour réclamer l'indépendance du pays et la libération du chef du Parti populaire algérien (PPA), Messali Hadj. Ces massacres de Sétif qui ont fait plusieurs milliers de morts (chiffres variants entre 2000 et 45000 morts selon les algériens) sont passés inaperçus dans la métropole, focalisée sur la célébration de la capitulation de l'Allemagne. Le journal communiste L'Humanité en parle pour les qualifier " d'émeutes de sympathisants nazis ". Cet événement est commémoré chaque année en Algérie. Dans les départements français d'Algérie, certains musulmans espèrent que sera mis en application le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Parmi eux Messali Hadj, chef du PPA (Parti populaire algérien), interdit depuis 1939. Messali Hadj ayant été jeté en prison, 20.000 de ses partisans défilent le 1er mai 1945 à Alger en sa faveur. Le matin du 8 mai, une nouvelle manifestation survient à Sétif aux cris de "Istiqlal , libérez Messali". Les militants du PPA ont reçu la consigne de ne pas porter d'armes ni d'arborer le drapeau algérien, mais un scout musulman n'en tient pas compte et brandit le drapeau au coeur des quartiers européens. La police se précipite. Le maire socialiste de la ville, un européen, la supplie de ne pas tirer. Il est abattu de même que le scout. La foule, évaluée à 8.000 personnes se déchaîne et 27 européens sont assassinés dans d'atroces conditions. L'insurrection s'étend à des villes voisines, faisant en quelques jours des milliers de victimes. La répression est d'une extrême brutalité. L'aviation elle-même est requise pour bombarder les zones insurgées. Après la bataille, les tribunaux ordonnent 28 exécutions et une soixantaine de longues incarcérations. Officiellement, les autorités françaises estiment que le drame aura fait 102 morts chez les européens et 1.500 chez les musulmans. Les autorités algériennes parlent aujourd'hui de 45.000. Les historiens spécialistes évoquent quant à eux 8.000 à 20.000 morts. Les émeutes de Sétif consacrent la rupture définitive entre les musulmans et les colons d'Algérie et annoncent la guerre d'indépendance.