Que pouvions-nous retenir du festival international du court métrage du Taghit d'or -du 15 au 20 de ce mois- qui s'est clôturé dans un esprit visible de vouloir construire une nouvelle génération de cinéastes algériens à qui on commence à dire que "vous êtes les meilleurs " sans leur demander de se réaliser au prix des labeurs et des sacrifices.On donne d'abord tous les moyens à ceux qui n'ont ni vocation, ni passion encore mois de talent, puis on les inclus dans des rendez-vous fantoches qui généralement ne font pas long feu, et on les sort glorieux d'une scène préparée d'avance pour fabriquer des noms que retiendront les mémoires aveugles, jusqu'au jour où il sera trop tard. Un membre du jury nous a révélé au cours d'une rapide discussion, que ses collègues ont trouvé de sérieuses difficultés pour dispatcher les six prix prévus à l'issue de la compétition et à notre surprise générale, ce même jury a rajouté à la liste des six trophées, cinq autres ! "Il y a 26 courts-métrages en compétition, il n'y en avait que cinq qui étaient discutables alors que normalement il aurait fallu débattre autour d'au moins 15 œuvres" nous avait-il révélé à la veille de cette clôture dont les jeux et les enjeux semblaient faits à l'avance. Et le soir des délibérations, nous n'avions presque pas reconnu le jeune Khaled Benaissa avec sa tenue d'un blanc immaculé qu'il avait relevé avec un burnous qui fait rappeler les cheikhs des zaouias, qu'on mêle désormais aux grand rendez-vous politiques du pays. Le CV de Khaled Benaissa, le grand vainqueur du Taghit d'or - le Taghit d'or et la Caméra d'or- pour son court de 18 minutes, " ils se sont tus ", n'est pas long à dire. Il est architecte de formation, son père est dramaturge, -Ahmed-, il a épousé Samia l'unique fille de la comédienne Sonia et il a fait quelques apparitions dans quelques long-métrages comme, El Manara de Belkacem Hadjadj, puis faire son premier court. Ce lauréat qui n'était pas passé auparavant sur les bancs des écoles cinématographique a eu tous les moyens du ministère de la Culture et même de quelques sponsors comme Bâti vert par exemple. Très drôle quand on pense que le formidable Goulili de Sabrina Draoui, un court qui s'est fait à 160 euros et qui a reçu un accueil pathétique durant, alors qu'on ne lui a décerné que le trophée inventé sur place, de la mention spéciale du jury. Ils se sont tus, qui est censé raconter en un rien de temps un épisode apocalyptique de notre histoire récente, s'est trouvé être un fourre-tout d'images souvent gratuites sur une houma algéroise qu'on reconnaît à peine sur le Grand écran. Pour dire son nationalisme, Khaled Benaissa a pris le chemin facile et barbant de l'emblème national, un élément de décor qu'il balance même sur les balcons des vieilles bâtisses et les rétroviseurs des taxis. Et puis, il installe des énergumènes comme les vendeurs- acheteurs et les vendeurs de brocantes, les parkingeurs, en tentant de faire un peu de burlesque sans que ça ne prenne réellement parce que son scénario lui échappe. Voulant sans doute montrer le maximum de choses à travers une idée de départ qui est celle de raconter le sommeil d'un journaliste de la radio qui se réveille dans une atmosphère cauchemardesque, Khaled Benaissa s'est brouillé dans sa propre idée. Le cinéma est par excellence, des images aussi parlantes qu'artistiques, il faut donc créer tout au long de son travail filmique, du sens qui se rajoute au sens. Que signifie un travelling sur une couverture ou une couette avec laquelle un personnage central -Hicham Merbah- se couvre pendant son sommeil ? Rien si ce n'est son aspect basique de couverture. Et bien pratiquement, toutes les images qu'a rapportées dans un amateurisme exacerbant, ce jeune réalisateur qui fera partie sans doute des noms de la nouvelle génération de cinéastes algériens, ne veulent dire que ce qu'elle veulent dire. Poser la main sur l'interrupteur pour voir où se trouve sa veste, est un geste anodin qui n'a rien à avoir avec l'éclairage artistique d'une scène, c'est ainsi qu'a " éclairé " Khaled Benaissa les esprits. Mais bon ! On lui a dit qu'il était le meilleur, une révélation qu'on a faite à d'autres avant lui. Le tout c'est d'être conscient de ce piége glorificateur qui a gelé une bonne fois pour toute l'envie de se remettre en question et de se projeter au prix du travail et des sacrifices vers l'avant.